LE DROIT DE RETRAIT EN 10 QUESTIONS
LE DROIT DE RETRAIT EN 10 QUESTIONS
Lorsque les conditions de sécurité ne sont pas optimales sur leur lieu de travail, les agents des collectivités territoriales, dans le cadre de leurs fonctions, peuvent recourir au droit de retrait.
1. Quelle est la définition du droit de retrait ?
Le droit de retrait permet à tout agent, dont la situation de travail présente un danger grave et éminent pour sa vie ou pour sa santé, ou lorsqu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, d’interrompre son activité. Ce principe a été introduit par le décret du 16 juin 2000, dans le cadre d’une mise en conformité avec les directives européennes et, notamment, la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, relative à la protection de la santé et de la sécurité au travail.
Toutefois, la jurisprudence avait consacré à plusieurs reprises le droit de retrait dans les collectivités territoriales. Ce droit existe également pour les salariés assujettis au régime général depuis 1982.
2. Quelle est la limite de ce droit ?
L’exercice du droit de retrait ne doit pas engendrer, pour autrui, une nouvelle situation de danger grave et imminent. Par « autrui », il convient d’entendre toute personne susceptible, du fait du retrait de l’agent, de se trouver dans une situation de danger grave et imminent. Il peut donc s’agir de collègues de l’agent, mais aussi, le cas échéant, de tiers tels les usagers du service public.
3. Quelles missions sont incompatibles avec le droit de retrait ?
Les fonctionnaires des cadres d’emplois des sapeurs-pompiers, de la police municipale et des gardes champêtres ne peuvent pas se prévaloir du droit de retrait dans le cadre de leurs missions de secours et de sécurité des personnes et des biens. Ces missions ont été déterminées par l’arrêté interministériel du 15 mars 2001 relatif aux missions de sécurité des personnes et des biens incompatibles avec l’exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale (JO du 24 mars 2001).
4. Les missions incompatibles avec le droit de retrait ?
– pour les sapeurs-pompiers, les missions opérationnelles définies par l’article L.1424-2 du Code général des collectivités territoriales, relatif aux services d’incendie et de secours ;
– pour les agents de police municipale et pour les gardes champêtres, il s’agit des missions destinées à assurer l’ordre, la sécurité, la santé et la salubrité publique, lorsqu’elles visent à préserver les personnes d’un danger.
L’existence d’un danger grave et imminent détermine l’exercice du droit de retrait. La notion de danger grave doit s’entendre comme une menace directe pour la vie et la santé. C’est une situation susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l’intégrité physique de l’agent, pouvant entraîner la mort ou une incapacité permanente.
Les risques d’accidents relèvent de cette notion de danger, puisque l’accident est dû à une action soudaine entraînant une lésion du corps humain. Les maladies sont, le plus souvent, consécutives d’une série d’événements à évolution lente et ne sont donc pas, a priori, intégrées dans la notion de danger.
Le caractère imminent du danger doit être avéré, ce qui implique la survenance du danger dans un délai très rapproché, quasi immédiat.
5. Comment s’effectue le signalement du danger ?
Le droit de retrait fait l’objet d’une procédure stricte, qui s’inspire du Code du travail. Le signalement du danger constitue la première phase de cette procédure, appelée également la « phase d’alerte ».
L’alerte est déclenchée (articles 5-1 et 5-2, selon l’article 6 du décret de 2000) :
– soit par l’agent confronté à un danger, notamment lorsque le comité d’hygiène et de sécurité (CHS) n’existe pas. L’agent informe immédiatement son supérieur hiérarchique du déclenchement de l’alerte. Même si le décret ne le précise pas, il est opportun qu’un membre du CHS compétent soit informé de la situation ;
– soit par un membre du CHS ou, à défaut, par un membre du comité technique paritaire (CTP), prévenu notamment par l’agent qui a exercé son droit de retrait, après avoir constaté la réalité du danger grave et imminent. Il en avise aussitôt l’autorité territoriale.
Dans les deux cas, le signalement sera formulé par écrit dans un registre spécifique
Après avoir signalé le danger, l’agent concerné peut donc se retirer de sa situation
de travail.
6. Quelle procédure mettre en place après le signalement du danger ?
Une fois le signalement du danger effectué, une enquête doit immédiatement être engagée, à l’initiative de l’autorité territoriale ou de son représentant : il s’agit de la deuxième phase de la procédure.
Si le signalement émane d’un membre du CHS, celui-ci doit obligatoirement être associé à l’enquête. Néanmoins, la présence d’un membre du CHS est fortement préconisée lors du déroulement de l’enquête, quelle que soit la personne qui aura effectué le signalement du danger grave et imminent. L’autorité territoriale doit, par la suite, prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation, le comité compétent en étant informé.
7. Qu’est-ce que le registre des dangers ?
Selon l’article 5-3 du décret du 16 juin 2000, les signalements sont consignés dans un registre spécifique appelé « registre des dangers ». Celui-ci est sous la responsabilité de l’autorité territoriale et mis à la disposition des membres du CHS et de tout agent ayant exercé le droit de retrait. Tenu par l’Acmo (agent chargé de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité), ce registre est facilement accessible.
Les avis qui y figurent doivent être datés et signés. Ils doivent comporter également plusieurs éléments, dont le nom de l’établissement ou du service, l’indication du ou des postes de travail concernés, la nature du danger et sa cause, le nom du ou des personnes exposées, ou bien encore le nom du représentant de l’autorité administrative qui a été alerté.
8. Que se passe-t-il en cas de divergence d’opinions ?
En cas de divergence d’opinions sur la réalité du danger ou sur la façon de le faire cesser, l’autorité territoriale doit réunir en urgence le CHS compétent dans un délai n’excédant pas vingt quatre heures. L’inspecteur du travail territorialement compétent assiste de plein droit, à titre consultatif, à la réunion de ce CHS.
Si le désaccord persiste entre l’administration et le comité sur les mesures à prendre, et après intervention de l’agent chargé de la fonction d’inspection en matière d’hygiène et de sécurité (Acfi), qui agit en qualité d’expert et de conseil permettant éventuellement de lever le désaccord, il peut y avoir sollicitation des services de l’inspection du travail et, dans leur domaine respectif, d’un membre du corps des vétérinaires inspecteurs ou de celui des médecins inspecteurs de la santé et
du corps des médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main-d’œuvre, ainsi que de l’intervention du service de la sécurité civile.
Qu’il s’agisse de la saisine de l’inspection du travail ou des autres catégories d’intervenants mentionnées à l’alinéa 5 de l’article 5-2 du décret, celle-ci devra s’effectuer auprès du directeur départemental du travail ou du chef du service départemental dont relèvent les autres intervenants sollicités. Les demandes d’intervention des services de la sécurité civile devront être formulées auprès du préfet de département dont relèvent ces services.
La détermination du fonctionnaire amené à intervenir sera évaluée, respectivement, par le directeur départemental du travail, par le chef de service départemental concerné ou par le préfet compétent, selon les règles propres à chacun des domaines concernés.
Cette intervention s’inscrit dans une perspective d’expertise et de conseil, hors pouvoir de contrainte et de sanction, telle que prévue par le Code du travail (articles L.230-5, L.231-5, L.263- 1, L.611-10 et L.611-14).
L’intervention donnera lieu à un rapport adressé conjointement à l’autorité territoriale, au comité et à l’agent chargé de la fonction d’inspection en matière d’hygiène et de sécurité. Ce rapport indique, le cas échéant, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation.
9. Quelles mesures doit prendre l’autorité territoriale ?
Dans un délai de quinze jours, l’autorité territoriale adresse à l’auteur du rapport une réponse motivée indiquant (article 5-2, alinéa 7) :
– les mesures prises immédiatement après l’enquête ;
– les mesures prises à la suite de l’avis émis par le CHS réuni en urgence ;
– les mesures prises au vu du rapport ;
– les mesures qu’elle va prendre et le calendrier de leur mise en œuvre.
L’autorité communique ensuite une copie de cette réponse au CHS ainsi qu’à l’Acfi.
10. Quelles sont les issues possibles de cette procédure ?
Lorsque la situation de danger grave et imminent a été confirmée, le retrait de l’agent est justifié.
Dans ce cas, aucune sanction ne peut être prise à son encontre et aucune retenue de rémunération ne peut lui être appliquée.
Mais lorsque le retrait de l’agent a été considéré comme étant injustifié, ou que la situation de danger grave et imminent ne persiste plus, l’autorité territoriale pourra, si nécessaire, mettre en demeure l’agent de reprendre le travail, sous peine de mise en œuvre des procédures statutaires.
Enfin, en ce qui concerne les agents non titulaires, un nouvel article 5-4 a prévu, à leur profit, le bénéfice du régime de la faute inexcusable de l’employeur (telle que définie aux articles L.452-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale), dès lors qu’ils auraient été victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors que ces agents ou un membre du comité d’hygiène et de sécurité avaient signalé au chef de service un risque qui s’est effectivement réalisé
FREDERIC FONCEL