Le livre de l’été : Les 2 islams de Jean-Jacques Walter
P
Prière
L’islam prescrit la prière cinq fois par jour. Toutefois, le terme de prière est trompeur : son sens diffère radicalement entre l’Occident et l’islam.
En Occident, la prière est conçue à partir du christianisme. Un chrétien peut prier n’importe quand, dans n’importe quelle attitude, debout, assis, à genoux ou couché, seul ou en groupe, dans une église, chez lui, à son travail ou en marchant. C’est une présence devant Dieu, et dans sa forme la plus haute, l’oraison, elle est « en esprit et en vérité » : sans parole, ni intérieure, ni extérieure.
À l’inverse, la prière islamique qu’il faut faire précéder d’ablutions, avec « du bon sable » si on n’a pas d’eau, repose sur des formes rituelles. Elle consiste à réciter des versets du Coran, avec des attitudes imposées : debout, incliné, le buste à l’horizontale, ou accroupi, la tête au sol.
Prière islamique : sociale, et non spirituelle
La visée sociale, et non spirituelle, de la prière islamique se manifeste, entre autres, par l’interdiction de prier en dehors des heures fixées : prier, en la circonstance, constitue un rapport à la société – laquelle ne peut se rassembler qu’à des heures décidées à l’avance. Et non un rapport à Dieu – toujours présent.
Cette prière, acte social, et non acte spirituel, se manifeste aussi dans l’interdiction de prier faite aux garçons prépubères : bien que ces derniers ne soient pas en dehors de la relation personnelle à Dieu, il leur est reproché de se situer en dehors de la fraction du corps social qui agit. Et c’est celui-ci qui prime.
La prière est interdite aux femmes durant leurs règles. Motif : de nombreuses cultures considèrent les femmes comme impures à cette période, et les excluent des activités sociales. Mais leur rapport à Dieu reste le même.
L’effet sociologique de la prière islamique est clair : elle est une manifestation collective d’appartenance à un groupe, et le but de toute manifestation de cette sorte est d’augmenter la cohésion de ce groupe.
Un effet largement utilisé en politique : de manière massive et systématique par les systèmes totalitaires ; de manière moins méthodique par les grandes réunions publiques (meetings) dans les démocraties occidentales.
S
Savoir
En 288 avant notre ère, Ptolémée, l’un des généraux d’Alexandre, a fondé la bibliothèque d’Alexandrie, la plus grande du monde à son époque. Elle contenait 400.000 volumes à ses débuts, 700.000 sous César. Toute la littérature du monde connu des Grecs s’y trouvait, traduite en grec par une armée de spécialistes. Parmi ses joyaux : la Septante, la traduction en grec de la Bible hébraïque – sa plus ancienne version connue.
Le second calife Omar fit détruire ce monument de la culture mondiale. La justification de cette destruction est connue par son ordre de faire de même avec la plus grande bibliothèque perse, celle de Ctésiphon, équivalent pour la civilisation perse de ce que la bibliothèque d’Alexandrie était pour la civilisation grecque (ainsi que toutes celles avec lesquelles les Grecs étaient entrés en contact) : les livres qui confirment le Coran peuvent être détruits car inutiles ; ceux qui le contredisent doivent être détruits car trompeurs.
Au fil des siècles, dans les pays qu’il a dominés, l’islam a fait brûler un nombre immense de livres, pas seulement ces bibliothèques. Les livres sont des facteurs de réflexion et d’intelligence, et aussi de distance critique par rapport au système politique au pouvoir et à son idéologie. La destruction des écrits de leurs opposants, notamment tous les corans chiites et une large part des textes mu’tazilites, est un autre exemple de la passion anti-intellectuelle de l’islam traditionnel.
Le savoir protégé par l’islam se limite à l’ilm, la « science » de l’islam, laquelle consiste à étudier uniquement les textes canoniques islamiques : Coran, hadiths, etc. Cette « science » et les « universités » qui l’enseignent n’ont rien à voir avec ce que l’Occident appelle science, ou université.
Jean-Jacques Walter
Écrivain