Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a bousculé son agenda, vendredi 22 septembre, pour recevoir les principaux syndicats de gardiens de la paix, Alliance, Unité-SGP et UNSA-Police. La veille, alors que se déroulait la deuxième manifestation nationale contre la réforme du code du travail, quelque 2 000 CRS ont manqué à l’appel de leur prise de service. Ils étaient partis voir leur médecin. Une sorte de grève qui ne dit pas son nom. « Plus de la moitié des CRS qui auraient dû être engagés sur le dispositif de maintien de l’ordre se sont rendus indisponibles », affirme David Michaux, de l’UNSA-Police.
Cela fait plusieurs semaines que la colère monte dans les rangs des quelque 13 000 CRS répartis dans une soixantaine de compagnies en France. Ils s’opposent à une réforme de leur indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT), une prime de déplacement de 39 euros qui, pour des fonctionnaires cumulant en moyenne 170 jours hors de chez eux, ne représente pas loin de 7 000 euros bruts à l’année.
Créée dans les années 1960, l’IJAT est exonérée de l’impôt sur le revenu. Cette défiscalisation est régulièrement dénoncée par la Cour des comptes. Désormais, cette indemnité doit être soumise aux cotisations sociales. Le gouvernement va entièrement compenser cette fiscalité par une augmentation de la prime en 2018. Mais les organisations représentatives de gardiens, organisées en intersyndicale, ne s’en satisfont pas. « La situation est très tendue et les collègues n’ont pas l’intention de lâcher », assure David Michaux, qui rappelle que, jeudi, lors de son déplacement à Marseille, « le président de la République s’est retrouvé sans aucune compagnie. Ils ont dû appeler des escadrons de gendarmerie mobile ».
Rendez-vous pris le 6 octobre
« On n’a eu de cesse de leur dire que ça allait péter, insiste Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité-SGP-Police FO. Le ministère de l’intérieur n’a pas pris la pleine mesure de ce qu’est le syndicalisme dans la police. Les gens qui sont transformés en torche humaine ne sont pas des fonctionnaires lambda. » Sur fond de crise migratoire, de mobilisation sociale et de menace terroriste, les effectifs CRS ont été fortement sollicités depuis 2015. « On donne tellement, on en a marre de ce manque de considération », se plaint David Michaux.
A la sortie du rendez-vous, vendredi matin, les syndicats ont obtenu l’ouverture d’un cycle de négociations et entendent suspendre leur mouvement. « Le ministre doit nous revoir le 6 octobre, déclare Philippe Capon, de l’UNSA-Police. J’espère que l’ouverture est réelle sinon le mouvement reprendra de plus belle et s’étendra au-delà des CRS. »
Mise à part la crainte de voir leur prime grignotée au fil des ans, les policiers souhaitent conserver son paiement de façon dissociée de leur revenu pour pouvoirla recevoir sur un compte bancaire différent. Un point sur lequel le ministère de l’intérieur leur a d’ores et déjà donné gain de cause. L’intérêt d’une telle modalité ? « Les collègues les plus anciens cachaient ça à leur épouse, reconnaît un syndicaliste. Ils s’en servaient pour des dépenses de jeux par exemple. Et, pour les divorcés, ça ne rentrait pas dans le calcul de la pension alimentaire. »