Le père de la fillette violée et tuée veut comprendre ce qui s’est passé : «Je n’ai jamais pu voir ma fille»
Le père de la fillette de 18 mois, violée et morte dimanche 19 au centre hospitalier d’Agen, s’est constitué partie civile. Il veut comprendre ce qui est arrivé à sa fille.
Il a 24 ans. Il vit et travaille à Toulouse et avait deux points en commun avec la jeune femme de 23 ans mise en examen pour non-assistance à personne en danger : ils sont tous les deux nés en Martinique, et ils ont eu ensemble Joyanae, née en mai 2016 à Agen et décédée à l’âge de 18 mois au centre hospitalier d’Agen.
«Je n’ai jamais pu la voir», explique Antoine(*), joint hier dans la Ville rose. «A chaque fois que je voulais venir la voir, soit la petite n’était pas là, soit elles étaient absentes toutes les deux.» Au lieu d’une rencontre en Lot-et-Garonne ou ailleurs, le père biologique recevait des photos, parfois des vidéos. «Je n’ai jamais pu la voir, l’embrasser.» La petite restera une image. «Il veut simplement savoir ce qui s’est passé, ce que sa fille a vécu», explique Me Sophie Grolleau, avocate choisie par «La Mouette» pour défendre les intérêts de ce jeune ultramarin. L’association s’est constituée partie civile.
«Je ne savais pas qu’elle était enceinte»
Antoine ne cache pas avoir rencontré la mère de sa fille «grâce à un groupe d’amis. Nous n’avons pas vécu ensemble. Je vis ici à Toulouse, elle à Agen». Pire, il dit avoir appris qu’elle était enceinte par un ami, encore. «Je l’ai appelée pour lui demander. Elle m’a tout simplement répondu oui, sans rien d’autre.» Antoine n’a pas reconnu Joyanae, il s’apprête à le faire. Le dernier des appels de son ex-compagne est daté du dimanche 19 novembre dernier, le jour du décès. «Elle m’a contacté pour me dire qu’elle était morte, sans m’expliquer comment.»
L’autopsie a révélé que la fillette avait été violée, victime de coups multiples qui ont provoqué son décès. Interpellé jeudi au domicile de la mère au 6 bis, rue Puits-du-Saumon à Agen, le compagnon a été mis en examen samedi pour violences volontaires par personne ayant autorité, violences habituelles et viols sur mineure de moins de 15 ans. Âgée de 25 ans, la mère est également en détention provisoire, pour non-assistance à personne en danger et non dénonciation de crime.
Depuis cinq semaines
Le père a été entendu par les policiers samedi. «Il veut également savoir quand il peut procéder à l’inhumation de sa fille», poursuit Me Grolleau, qui doit le rencontrer dans les prochains jours. «Avec ce qu’elle a subi, elle a au moins le droit d’avoir un enterrement décent !» L’idée d’une marche blanche est pour l’instant restée en l’état dans l’attente de la restitution du corps, toujours à Bordeaux.
Ce dossier sordide et terrible est désormais entre les mains d’un juge d’instruction agenais. Il secoue jusqu’aux élus du conseil municipal de la ville. Adjointe aux affaires sociales, Baya Kerkhach préconise une meilleure «coordination» des services municipaux et départementaux dans la détection de la maltraitance et des situations de précarité.
La jeune femme vivait à Agen depuis un an, son compagnon, interpellé jeudi également, vivait avec elle depuis cinq semaines. Le centre d’action sociale (CCAS) n’a pas enregistré de demande pouvant la concerner, confirme l’élue. «Les dispositifs existent mais les bénéficiaires peuvent aussi passer à côté», admet-elle. «Il faut vraiment parvenir à de meilleures connexions entre les services d’aide sociale municipaux et départementaux, et on doit s’interroger aussi sur la place des associations caritatives face à ses personnes en grande vulnérabilité.»
Violences et prévention
Baya Kerkhach s’est entretenue avec Sophie Borderie, vice-présidente du développement social au conseil départemental. Atterrée par le drame, l’élue de Saint-Jacques dit aussi qu’il «faut avant tout travailler sur la prévention des violences faites aux femmes car elles engendrent souvent autant de violences sur les enfants. Les dispositifs existent. Dans ce cas particulier, il n’y a aucun dysfonctionnement».
Bénéficiaire du RSA, la jeune mère de famille était suivie par les équipes du conseil départemental. Les derniers contacts remontaient à la fin octobre, «rien ne laissait alors supposer ce drame». À cette époque, elle ne vivait semble-t-il pas encore avec l’homme interpellé en sa compagnie jeudi.
(*) Le nom du père biologique a été changé.