Dans son discours de Nouvel An, le président ivoirien Alassane Ouattara a exhorté la jeunesse de son pays à ne pas émigrer. Ce type de discours venant d’un chef d’État africain dont le pays recèle beaucoup de richesses agricoles et minérales est à encourager parce que teinté de responsabilité. Cependant, il faut aller au-delà des simples théories verbales et mener une réflexion stratégique globale et systémique sur les moyens à mettre en œuvre afin de stopper cette émigration clandestine.
Sur le plan de la communication, il faut mettre l’accent sur la sensibilisation en montrant aux jeunes que l’Europe n’est plus cet eldorado rêvé. Pour cela, il convient de développer une campagne de communication efficace capable de mettre en exergue des cas individuels d’espoirs déçus suite à des initiatives d’émigration qui ont tourné court. De manière concomitante, ces spots devraient mettre en relief des exemples de success stories de jeunes qui ont eu l’intelligence d’utiliser leurs maigres ressources destinées à couvrir les frais du voyage clandestin en développant leur propres projets en Afrique.
Sur le plan économique, les pays de départ doivent contrôler au mieux la qualité de leurs dépenses publiques en évitant de maintenir des institutions inutiles, budgétivores et inefficaces, du genre Assemblées nationales surdimensionnées, Sénats et autres institutions publiques pléthoriques, coûteuses et sans réel impact sur l’exercice démocratique. De même, ils gagneraient à éviter de financer des projets d’infrastructures surdimensionnés sans incidence notoire sur la croissance et sur l’emploi. À cela s’ajoute que les cumuls de mandats réduisent l’offre d’emplois pour les jeunes.
À la place, il faut des politiques de relance économiques axées sur la consolidation de la production nationale par de véritables politiques de transformation de matières premières locales et par de réelles politiques de substitution aux importations. Il faut, à cet effet, que l’État soit stratège et entreprenant.
Il faut casser cette idée reçue, cette théorie économique qui veut que l’État n’est pas créateur d’emplois. Tous les pays développés ont, à un certain moment de leur histoire, utilisé le levier de l’État pour consolider leur tissu économique. Il convient de rappeler Roosevelt, au lendemain de la Grande Dépression, avec le recrutement de 2,5 millions de jeunes. Les États africains concentrent en leur sein la plénitude des moyens du pays. Police, gendarmerie, budget, experts parfois chevronnés, pouvoirs législatifs et réglementaires. Cet État, qui cohabite souvent avec un secteur privé parfois déstructuré et sans moyens, on lui demande à tort de ne pas s’immiscer dans la création d’emploi mais de se limiter à la définition du cadre. C’est une hérésie qu’il faut corriger. Nous lançons le concept d’État capitaine à la place de l’État entraîneur actuel, ou, en d’autres termes, celui d’État acteur en lieu et place de l’État spectateur. Il faut plus d’État et mieux d’État.
Enfin, les États africains devraient amener la communauté internationale sur la base d’un plaidoyer convainquant à réaliser que l’émigration clandestine n’est, quelque part, que la conséquence d’un manque de solidarité des États du Nord, vu les difficultés liées à l’obtention des visas. C’est aussi le corollaire d’une insécurité galopante, elle-même principalement induite par des erreurs de politique étrangère occidentale. Deux exemples patents : la Libye et l’Irak sur lesquels, prétextant l’existence de dangers dans ces pays susceptibles de menacer la paix mondiale, ils ont réussi à « embarquer » l’ONU dans des interventions hasardeuses dont le monde subit encore les conséquences néfastes.