Les débats dureront trois jours. Ils ont débuté par l’enquête de personnalité de l’accusé. Yves Chanal est né à Epinal il y a 36 ans. Il est le fils unique d’une mère laotienne, qui a passé sa carrière dans la fonction publique. Son père est un ancien professeur de physique à la retraite. Jusqu’à ses 10 ans, le garçon a vécu une enfance « relativement heureuse » à Epinal. « C’était le boute-en-train de la bande, notre rayon de soleil » se souviennent ses copains du quartier. Les parents Chanal partent ensuite dix ans en Martinique avant une nouvelle affectation à Paris. Leur fils vit, à chaque fois, « ces déménagements comme un déracinement. » Dans la capitale, il trouve un emploi à la mairie de Paris. Mais le quitte un an plus tard, en raison de problèmes psychologiques. En 2009, la famille revient dans sa maison d’Epinal. Mais trois ans plus tard, les parents rejoignent le Laos. Leur fils décide de rester seul dans la maison.
Depuis son adolescence, le mis en cause, passionné d’armes blanches et de jeux en ligne, traîne une souffrance : sa petite taille (1,53 mètre). Un obstacle pour nouer une relation amoureuse.
« Au fil des années, il s’est replié sur lui-même. A Paris, il est devenu silencieux. Il était toujours seul. En tant que maman, je savais que ça n’allait pas. Yves n’est pas quelqu’un qui se confie », souligne la mère de l’accusé qui est arrivée à la barre en adressant un petit signe de la main à son fils. « Lorsqu’on est parti en Asie, je crois que ça n’a pas été une bonne idée », reconnaît le père du trentenaire qui avait rêvé voir son fils embrasser une carrière d’ingénieur.
Si l’accusé n’avait pas montré d’émotion particulière pendant les déclarations de ses parents, il en a été tout autrement pendant l’intervention de son véritable et unique ami. C’est à Paris qu’Yves Chanal s’est noué d’amitié avec son collègue Philippe. Une amitié qui dure depuis 15 ans. Un confident. Le Parisien a fait le déplacement jusqu’à la cour d’assises pour soutenir son « pote ». « Je ne cautionne pas ce qu’il a fait. Mais je ne l’abandonnerai pas. Au travail, je n’ai jamais rien eu à lui reprocher. J’ai senti qu’il souffrait. Je l’ai pris sous mon aile. C’était un bon gamin. Il recherchait de l’affection. Il pensait que ses parents ne l’aimaient pas trop. Il a du mal à communiquer avec eux. Je venais le voir chaque année à Epinal. La dernière fois c’était en octobre 2014, je l’ai emmené au restaurant. Il avait les yeux qui pétillaient comme un gosse. »
L’avocat général, Etienne Manteaux s’adresse à Philippe : « Et la dernière fois que vous avez eu Yves Chanal au téléphone c’était quand ? »
« Le 1er janvier 2015 à 00 h 13. Il m’a souhaité la bonne année. »
C’était quelques minutes avant qu’il ne se rende chez Telma da Silva Messias avec qui il avait pris rendez-vous. Ce fut le dernier « client » de la prostituée.