Le tireur de Paris voulait « scénariser » son suicide
MANUEL CUDEL
Abdelhakim Dekhar avait ouvert le feu dans le hall du journal Libération le 18 novembre 2013.
Son image, captée par la vidéosurveillance, avait tourné en boucle sur les chaînes de télévision. Abdelhakim Dekhar, le tireur de Paris, l’homme qui avait déclenché une traque de cinq jours en novembre 2013, après avoir attaqué deux médias et une banque, a commencé à s’expliquer vendredi 17 novembre devant la justice.
Aujourd’hui âgé de 52 ans et détenu depuis près de quatre ans, il est apparu calme dans le box des accusés, répondant d’une voix posée aux questions du président. Un an et demi après les attaques de Mohamed Merah à Toulouse et Montauban, Abdelhakim Dekhar, sans être jihadiste, avait créé un climat d’angoisse dans la capitale.
Un photographe blessé
Son périple débute le 15 novembre 2013 vers 7 h. Armé d’un fusil, il pénètre dans le hall de BFMTV, pointe son arme vers le rédacteur en chef, puis prend la fuite après avoir manqué sa cible. Selon l’accusation, c’est seulement du fait de “sa maladresse”.
Trois jours plus tard, il fait irruption dans le hall du quotidien Libération. Cette fois, il blesse grièvement au thorax un assistant photographe, avant de s’échapper à pied. Le même jour, il tire en direction de la banque Société générale dans le quartier de la Défense. Il a visé deux salariées, selon l’accusation, sans parvenir à les toucher. Cinq minutes plus tard, il prend brièvement en otage un automobiliste.
Les enquêteurs lancent un appel à témoin. Le 20 novembre, le tireur est identifié. Il est retrouvé allongé dans une voiture, à demi-conscient après avoir avalé des médicaments. “Plutôt que m’immoler dans l’indifférence générale, j’ai voulu scénariser mon suicide”, a notamment dit le quinquagénaire aux cheveux désormais grisonnants, devant la cour d’assises de Paris, dans des déclarations confuses mêlant son désespoir et ses positions anticapitalistes.
Il encourt la perpétuité
Abdelhakim Dekhar avait déjà été condamné en 1998 à 4 ans de prison pour “association de malfaiteurs” dans un dossier criminel lié à l’ultra-gauche : une fusillade au cours de laquelle cinq personnes, dont trois policiers, avaient été tuées en 1994. Libéré en 1998, il avait resurgi quinze ans plus tard.
Quel était son mobile ? Dans une lettre non datée laissée derrière lui, il développe la théorie d’un “complot fasciste”, s’en prend au “capitalisme” et aux journalistes “payés pour faire avaler des mensonges”.“À aucun moment je n’ai voulu m’en prendre à la personne humaine, a-t-il affirmé vendredi. Je voulais m’en prendre de manière symbolique à une structure.”
Jugé jusqu’au 24 novembre, pour récidives de tentative d’assassinat et pour enlèvement et séquestration, Abdelhakim Dekhar encourt la perpétuité.