Les 10 moments forts du procès Merah
De l’ouverture du procès le 2 octobre aux plaidoiries de la défense le 31 octobre, nous vous avons fait vivre les 5 semaines du procès Merah. A quelques heures du verdict, retour sur 10 moments clés de ce procès exceptionnel.
Publié le 31/10/2017 à 09:06 Mis à jour le 31/10/2017 à 09:44
Un procès pour des faits de terrorisme, c’est une manière de répondre à la soif de justice de l’opinion publique.
Un procès comme celui de l’affaire Merah, c’est un peu tout cela et plus encore. S’il peut s’agir d’une sorte d’exutoire pour la souffrance de familles de victimes, endolories à vie, c’est aussi, en l’absence de l’auteur principal des faits, une bataille juridique sur la responsabilité des accusésdans les attentats de Toulouse et Montauban en 2012.
Après les réquisitions sévères de l’avocate générale lundiet en attendant le verdict prévu pour jeudi 2 novembre, ce sont ces moments forts, sur le volet judiciaire comme sur le plan émotionnel, que nous avons (subjectivement) rassemblés ici.
1. Quand on découvre Abdelkader Merah… surnommé “Ben Ben”
A l’ouverture du procès, il y a une vérité pour tout le monde : celle du visage des accusés, qui apparait enfin. Et surtout celui du frère de Mohamed Merah. Il s’est présenté les cheveux longs attachés derrière la nuque, parfois un bandeau noir sur la tête, le plus souvent, lors de ce procès, vêtu d’une chemise claire. Il regarde rarement la salle, tourné presque en permanence vers la Cour.
Aux premiers jours, on découvre surtout, au-delà d’un visage, une personnalité insaisissable. Tantôt violent, alcoolique, petit délinquant, tantôt, après ce qu’il qualifie de “conversion” à l’Islam, d’homme calme, posé, rangé…
Qui est-il alors en 2001, après les attentats aux Etats-Unis, quand il clame “vive Ben Laden” dans tout le quartier des Izards, si bien que le surnom “Ben Ben” lui restera collé à la peau ? Est-il alors le petit malfrat irréfléchi ou déjà le fanatique religieux ? Lui plaide au procès pour dire qu’il “ne savait pas ce qu’(il) faisait”.
2. Aucune chance de s’en sortir pour les victimes
Tout au long de ce procès, il aura été question de Mohamed Merah, tué par le RAID le 22 mars 2012. Le procès de Merah sans Merah ou plutôt avec un autre Merah. Le “fantôme” du tueur au scooter plane en permanence sur la Cour d’assises spéciale.
Notamment lorsque les médecins légistes viennent décrire dans un silence (que l’on n’ose qualifier de mort), les constatations faites sur les 7 victimes tuées par Merah.
– Avait-il (ou elle) une chance de s’en sortir ?” demande à chaque fois l’avocate générale.
– Aucune” répondent froidement les légistes.
3. Les trous de mémoire de Fettah Malki
Après 8 versions différentes pendant l’instruction, l’autre accusé, Fettah Malki, jugé pour avoir fourni un pistolet-mitrailleur et un gilet pare-balles à Mohamed Merah, inaugure une 9ème version pendant le procès. Il ne sait plus très bien si l’arme qui a servi à Merah et qui s’est enraillée devant l’école juive, est bien celle qu’il lui avait fourni. Qu’il avait donné ? Vendu ? Il ne sait plus trop.
Plus tard, on apprendra que l’arme avait préalablement était enterrée dans le jardin de son ex-compagne qui avait creusé le trou “avec une cuillère”. L’arme était ressortie humide et rouillée.
4. La “honte” et la “tristesse” d’Abdelkader Merah
Après une succession de témoignages décrivant les scènes de crime de 2012, Abdelkader Merah, interpellé par les avocats des parties civiles, a (enfin) livré ces éléments de compassion :
J’ai honte, je suis triste. Je m’adresse aux croyants, on est des frères de religion, je suis dans un état d’émotion. Voir ces actes de l’extérieur, c’est insoutenable, bien sûr je condamne les actes de mon petit frère, j’ai honte.
Pourquoi n’avait-il fait aucun geste de compassion depuis 2012 ? Abdelkader Merah répond qu’il ne se rendait pas compte étant en garde à vue puis à l’isolement en détention provisoire : « Ici je vois les regards, la tristesse des victimes, alos qu’en prison je ne ressentais pas trop ça. Je suis sincèrement triste de ce qui est arrivé. »
5. Le vol du scooter ausculté sous toutes les coutures
Toute la question autour du vol du scooter qui servira aux exactions de Mohamed Merah n’est pas de savoir si son frère Abdelkader était présent, il l’a reconnu, mais s’il y a activement participé. Lui dit que son frère a fait montre d’opportunisme, voyant les clés sur le contact, et qu’il a été “pris en otage” par son propre frère. Et pourquoi lui paye-t-il un blouson de moto “discret” le même jour ? C’était prévu avant et il en ignorait la destination explique-t-il.
Il en profite pour confirmer l’identité du “3ème homme” présent ce jour-là : Wallid Larbi Bey. Problème : celui-ci a été tué dans une fusillade à Beauzelle en 2015. Il ne pourra donc ni confirmer ni infirmer la version d’Abdelkader Merah.
6. Mohamed Merah sur une liste de suspects dès le 16 mars 2012
Au début de la deuxième semaine, l’ex-patron du renseignement intérieur à Toulouse, Christian Ballé-Andui, créé la sensation en révélant qu’il avait, dès le 16 mars, au lendemain de la tuerie des militaires à Montauban, transmis à sa direction centrale une liste de suspects jihadistes sur laquelle figurait le nom de Mohamed Merah (on ne saura jamais si le nom d’Abdelkader Merah y figure aussi, la note n’ayant pas été “déclassifiée” et transmise à la justice, “un scandale d’Etat” pour les avocats des parties civiles). On est alors 3 jours avant la tuerie de l’école juive.
Quelques jours après cette déposition, l’ex-grand patron de la DCRI, le très politique et préfectoral Bernard Squarcini, dit “le Squale”, réécrit l’histoire en sa faveur : cette liste c’est lui qui l’a demandée, c’est lui qui a ensuite ordonné que l’on “relocalise” Mohamed Merah, malheureusement il a manqué quelques heures pour empêcher la tuerie de l’école juive. Des ratés ? “Je dirais plutôt des retards”. Et la thèse du “loup solitaire” ? “Mes propos, tenus à chaud, ont été politiquement et médiatiquement instrumentalisés”.
7. Une partie de la famille charge Abdelkader Merah
Dans la famille Merah, il y a ceux qui tentent tout pour sauver Abdelkader (lire ci-dessous) et puis il y a ceux qui l’enfoncent. Son frère aîné Abdelghani, l’ex-femme de celui-ci et son fils, se succèdent à la barre pour décrire l’univers terrifiant de la cellule familiale : la violence, l’antisémitisme, le racisme anti-français et encore la violence.
Dans le box, Abdelkader Merah ne bronche pas.
8. La mère Zoulikha provoque la colère des familles de victimes
Viennent à son secours sa compagne (épousée religieusement) et surtout sa mère, Zoulikha Aziri. Cela restera sans aucun doute le moment le plus tendu d’un procès qui n’a pourtant pas manqué d’ambiance électrique !
Longuement interrogée, la mère de la fratrie défend bec et ongles son fils dans le box des accusés. Elle refuse de dire qui s’est connecté à sa freebox pour consulter l’annonce du Bon Coin où Imad Ibn Ziaten vendait sa moto en spécifiant qu’il était militaire. Puis elle renvoie la responsabilité sur son fils Mohamed, qui se “connectait de chez lui” (NDLR : à plusieurs kilomètres de là), s’entêtant même quand on lui dit que c’est techniquement impossible.
Le ton monte avec l’avocate générale. Venant à sa rescousse, l’avocat de son fils, Maître Eric Dupond-Moretti, clame à l’assistance :
C’est la mère d’un accusé, mais c’est aussi la mère d’un mort !
Submergées par l’émotion, des parties civiles explosent : « Vous êtes tous des assassins ! » lâche en sanglots Naoufal Ibn Ziaten, le frère d’Imad tué à Toulouse le 11 mars 2012.
9. Abdelkader Merah, « musulman orthodoxe » mais « pas salafiste »
Interrogé pendant 7 heures d’affilée sur son engagement religieux et son parcours vers l’islam radical, Abdelkader Merah a affirmé qu’il n’est pas salafiste mais “musulman orthodoxe”. Parfois mis en difficulté par les questions sur ce parcours religieux, l’accusé semble esquiver.
Pour certaines parties civiles, il parvient, même au procès, à “dissimuler” sa radicalisation comme l’enseignent les fichiers retrouvés sur des supports numériques lors de perquisitions à son domicile, dont certains, enregistrés par un cadre d’Al Qaida, sont une sorte d’encyclopédie du parfait jihadiste de A à Z. “Je les utilisais pour apprendre l’arabe littéraire” explique l’accusé, sans convaincre.
10. La colère digne et la peine des familles… et la voix de Loïc Liber
Enfin, silencieuses depuis le début du procès, en rangs serrés sur les bancs réservés aux parties civiles, les familles des victimes se sont avancées une à une à la barre. Notamment Samuel Sandler, père et grand-père de trois victimes, qui lance :
Le frère du tueur est un petit Eichmann de quartier
“Ils ont tué mon fils mais ils n’ont pas tué l’amour” clame Albert Chennouf-Meyer, le papa d’un militaire tué à Montauban, brandissant la photo de son petit-fils né après la mort de son père.
Les familles Ibn Ziaten et Legouad, de confession musulmane, rejettent l’islam prôné par Abdelkader Merah. Avec leurs mots et leurs peines immenses, ils expriment, dignes, leur colère et leur incompréhension.
La parole est donnée en dernier au soldat Loïc Liber, laissé pour mort à Montauban. Tétraplégique, il vit sous assistance respiratoire, sans aucune autonomie :
Ma vie est un combat. Je vis avec mes souvenirs car mon présent est insupportable et mon futur est incertain.