Les accusés d’Ansar al-Haqq : djihadistes à l’insu de leur plein gré !
Ils étaient trois à comparaître, cette fin de semaine, devant la XVIe chambre du tribunal correctionnel de Paris, poursuivis pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ».
Farouk ben Abbès, Nordine Zaggi et David Ramassamy sont accusés d’avoir endoctriné et possiblement recruté des candidats au djihad via le site Internet Ansar al-Haqq (les Partisans de la vérité), le forum francophone pro-djihad le plus consulté dans les années 2000 et dont ils furent les administrateurs entre 2006 et 2010.
Les faits reprochés au trio remontent dix ans en arrière. Dix années qui, hélas, ont vu s’installer sur le devant de la scène Daech et sa vague d’attentats meurtriers perpétrés en Europe – et particulièrement en France –, en Afrique et au Moyen-Orient. Des années où l’on a vu de jeunes Occidentaux partir en nombre pour l’Irak et la Syrie.
Dix ans, dans cette « guerre », c’est un temps long et la présidente du tribunal l’a reconnu : les faits sont anciens, doivent être replacés dans un contexte qui n’est pas celui du jour, et sont « jugés de façon beaucoup trop tardive ». C’est bien la plaie de la Justice française…
S’ils reconnaissent que leur site a pu inciter des jeunes à partir, les trois accusés nient toute volonté de recrutement. « L’objectif du site, ce n’était pas : on va recruter », dit l’un, « c’était de présenter l’idéologie à laquelle on adhérait. » Le second insiste : « Il n’y jamais eu d’entente avec des organisations terroristes. » Tous reconnaissent « des bêtises » et « des âneries » ! Il manque les erreurs, mot chéri des avocats. Ils admettent néanmoins : « Malgré nous, on a fait la propagande de ces organisations-là. »
Il faut donc croire qu’ils étaient djihadistes à l’insu de leur plein gré, et tant pis pour « les esprits fragiles » qui les ont suivis.
La tête de ce trio est Farouk ben Abbès, un Belgo-Tunisien dont Le Parisien nous dit qu’il est apparu dans plusieurs dossiers terroristes sans toutefois être jamais poursuivi. Il affirme s’être cantonné à un rôle d’informateur, notamment sur le sort malheureux des Palestiniens puisqu’il « “postait” à l’époque depuis Gaza (vers 2007-2009) des vidéos “sur la vie quotidienne” dans l’enclave palestinienne ». Un sujet, il est vrai, qui a de quoi révolter bien au-delà des candidats au djihad !
Condamner aujourd’hui ces garçons n’aurait peut-être aucun sens, sauf à vouloir revisiter l’Histoire. On commençait seulement, voilà dix ans, à entrevoir la portée de l’Internet et des réseaux sociaux dans la propagande islamiste. C’est également ce qu’a rappelé la présidente du tribunal, comme le souligne encore Le Parisien : « Le dossier ne peut non plus se comprendre sans retracer la genèse du “jihad médiatique”. Un concept surgi des décombres de la guerre en Afghanistan et du développement d’Internet, qui a bouleversé “les stratégies de recrutement” des organisations terroristes en leur permettant “prospection passive” et soutiens anonymes – avec Al-Qaïda en précurseur de l’État islamique. »
Ce procès, s’il a une utilité, devrait nous inciter à la réflexion. Que s’est-il passé, en dix ans, qu’est-ce qui nous est tombé dessus ? Les choses ont-elles changé, qui incitaient tous ces jeunes à plonger dans la violence ?