Les collectivités font un pont d’or aux policiers municipaux » Frédéric Biedak, président du Syndicat national des policiers municipaux (SNPM) et policier municipal en Moselle
En mai 2021, vous indiquiez que 50 % des communes françaises dotées d’une police municipale l’avaient déjà équipée d’une arme létale. Cette proportion a-t-elle évolué ?
« On estime aujourd’hui ce pourcentage entre 60 et 70 %. »
Tous les agents demandent-ils désormais à être équipés ?
« De ce que je constate dans mon activité, oui. Quand vous tombez sur un cas comme celui de Saint-Étienne, vous faites quoi sans arme ? Le 26 novembre, un homme avec un couteau a été mortellement neutralisé par balle par la police municipale stéphanoise. Il menaçait une femme âgée. Vous pouvez toujours appeler la police nationale. Le temps qu’elle arrive, même en deux ou trois minutes, l’agresseur peut faire un carnage… »
Vous considérez donc que l’absence d’arme létale est un frein aux candidatures ?
« Tout à fait. Quand un candidat consulte les offres, il regarde si la commune propose une arme létale, un pistolet à impulsion électrique, bombe lacrymogène incapacitante de plus de 100 ml, etc. Il y a d’ailleurs eu récemment plusieurs mouvements de grèves de policiers municipaux réclamant des armes à feu (notamment à Poitiers et Rennes, NDLR). C’est aujourd’hui une revendication de l’ensemble des syndicats. Et un autre élément va venir renforcer ce frein à l’embauche… »
Lequel ?
« Le nouveau régime indiciaire, mis en place au 1er janvier. Plusieurs primes doivent être supprimées et remplacées par une part variable. Celle-ci s’élèvera entre 0 et 7000 € annuels, en fonction des catégories et à la discrétion des communes selon l’attitude de l’agent. Si une collectivité donne 5 000 € et sa voisine rien, vous allez où pour le même travail ? Une de 140 000 habitants pourra peut-être s’adapter, mais une autre de 2 000-3 000 habitants, comment fera-t-elle ? Nous sommes opposés à cette refonte : elle créera une inégalité et donc des disparités entre les fonctionnaires et entre les collectivités. »
Cela renforce l’impression d’un « mercato » des policiers municipaux entre collectivités…
« Elles sont de plus en plus intéressées par les questions de sécurité, avec une multiplication des créations de service. Aujourd’hui, il manquerait environ 10 000 policiers municipaux en France, au regard des postes ouverts et non attribués. Mais dans n’importe quelle commune, il existe des difficultés pour embaucher. Selon le site Cap Territorial, 1 056 collectivités sont en recherche. Un exemple : l’Eurométropole de Metz va créer une police intercommunale qui, à elle seule, a besoin de 22 agents, avec une campagne d’affichage… jusqu’à Nancy ! Les collectivités font effectivement un pont d’or aux policiers municipaux, quand elles le peuvent. »