Les jeunes Français, champions en Europe de la consommation du cannabis. Est-ce grave, docteur ?
La France compte 1.500.000 individus qui consomment régulièrement du cannabis de façon quotidienne ou au moins une fois tous les trois jours. Cette dernière fréquence, qui paraît faible, n’est pas anodine, puisqu’elle traduit une dépendance avérée à son principe actif, le tétrahydrocannabinol ou THC. En effet, le THC est, de toutes les drogues connues, la seule qui s’attarde durablement dans l’organisme, en se stockant dans les graisses dont le cerveau est particulièrement riche. Aussi, celui qui consomme un « joint » ou un « pétard » tous les trois jours est en permanence sous son influence. Un si long intervalle entre deux consommations successives a entretenu le mythe d’une « drogue douce » ; ce qu’il n’est pas. Il s’agit, en fait, d’une drogue lente, et même très lente. Son usage chronique tend à diminuer ses effets (tolérance), ce à quoi pallie le cannabinophile en accroissant les doses et la fréquence de ses usages, qui vire à l’abus franc, avec un ou plusieurs « joints » par jour.
Les premiers usages sont de plus en plus précoces ; au collège, dès la cinquième. Cet usage est facilité par son prix réduit (6 € le gramme de haschisch), son obtention aisée (plus de 200.000 dealers), la grande permissivité ambiante (discours publics, parents non vigilants ou ignorants, éducateurs indifférents quand ils ne sont pas, eux-mêmes, consommateurs, politiciens démagogues, lobbies impatients d’une légalisation pour réaliser de juteux bénéfices).
L’adolescence est une période de grande vulnérabilité ; et la consommation de cannabis survient au plus mauvais moment :
– celui de la période éducative ; or, le THC crée une démotivation, perturbe la mémoire à court terme (sans laquelle ne peut s’édifier une mémoire à long terme et une culture) ; mais, d’ailleurs, comment apprendre quand on est ivre ?
– celui de l’édification d’une personnalité, de l’élaboration des projets professionnels, ce qu’empêche le cannabis ;
– celui de la maturation cérébrale (12-22 ans). Elle est faite d’une prolifération des ramifications des branches et des feuilles de l’arbre neuronal ou, dit moins prosaïquement, d’une ramification des axones et d’une multiplication des boutons synaptiques pour établir le plus grand nombre de contacts possibles entre les neurones (« sprouting »).
Simultanément survient un élagage des connections non pérennisées par la fonction (« pruning »). Dans ce processus subtil et complexe interviennent physiologiquement des substances endogènes, les « endocannabinoïdes » qui arbitrent entre « sprouting » et « pruning ». Le THC ne mime pas leurs effets, il les caricature, se comportant tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il laisse persister des synapses qui auraient dû disparaître (contribuant aux troubles délirants et hallucinatoires) et supprime des synapses qui auraient dû subsister (réduisant les capacités cognitives/la faculté d’apprendre).
Ces altérations peuvent faire le lit de troubles psychotiques, dont la redoutable schizophrénie, qui obère gravement l’avenir de ses victimes :
– celui d’une fragilité psychique, d’une vulnérabilité sur laquelle le cannabis peut déclencher des troubles anxieux et/ou dépressifs, avec leurs risques suicidaires, accroissant la fréquence de ses tentatives ;
– celui de l’apprentissage de la conduite des engins à moteurs, contribuant à l’accroissement des accidents ;
– celui de l’exploration des autres drogues illicites, que l’addiction au cannabis rend d’emblée plus plaisantes et intensifie leur pouvoir d’accrochage.
Loin d’avoir fait le tour des méfaits psychiques du cannabis, le docteur répond à la question posée dans le titre : « Oui, cette consommation de cannabis est grave ! » et si nous n’y changeons rien, nous allons être responsables d’une génération de shootés, de camés, de paumés.