Les policiers lorrains sous tension
L’agressivité au quotidien n’a cessé de croître ces dernières années, constatent les fonctionnaires de la région. En cause, selon le syndicat Alliance : le déficit de moyens humains et le manque de fermeté judiciaire.
« Oui, des quartiers sont abandonnés car nous n’avons parfois pas les moyens humains pour aller sur place affronter la délinquance. Les consignes de la hiérarchie sont très claires : quand il s’agit d’aller sur le terrain à deux ou trois et que nous savons déjà qu’on ne fera pas le poids, nous n’y allons pas »
Policier à la Bac (brigade anticriminalité) de nuit d’Épinal, David Ghisleri dresse le constat d’une situation d’urgence pour les forces de l’ordre en Lorraine.
Manque de moyens humains
Selon les chiffres fournis par le secrétaire régional du syndicat Alliance, le déficit numérique est attesté par la direction nationale de la police, et figure parmi les motifs de colère exprimés en 2020.
Objectif, le ratio intègre les plaintes et l’ensemble de l’activité pour déterminer le nombre nécessaire de fonctionnaires sur le terrain. En Moselle, il en manque une centaine, 43 en Meurthe-et-Moselle. Le rapport de forces avec la délinquance, forcément, s’en ressent, nourrissant une agressivité latente dans les relations sur le terrain.
Ce n’est pas Champigny, certes, où un commissariat a été pris pour cible ce week-end par des tirs de mortier, mais la tension est palpable. « Le phénomène n’a cessé de s’accentuer ces dernières années. Il touche toutes les catégories sociales, pas seulement les zones sensibles »
« 80 % des peines de prison ne sont pas exécutées »
David Ghisleri relève qu’« au-delà de l’escalade verbale, de plus en plus de particuliers n’hésitent pas à vouloir en découdre et à en venir aux mains ». Un récent exemple illustre le récit.
« La semaine dernière à Épinal, les pompiers nous ont appelés. Ils devaient prendre en charge une jeune femme pour la conduire à l’hôpital. Le compagnon a cassé un tesson de bouteille, puis s’est avancé, menaçant en notre direction. Il a fallu faire usage du pistolet à impulsion électrique. »
Selon le syndicat, l’absence de fermeté judiciaire nourrit un sentiment d’impunité chez les délinquants, petits ou gros.
« Elle ne fait pas peur, et ne dissuade plus. Voilà dix ou vingt ans, on ne sentait pas cette arrogance et cette agressivité. 80% des peines de prison ne sont pas exécutées, ou alors sous une autre forme. On a souvent en face de nous des gars pris en flagrant délit qui nous narguent. Ils savent qu’ils seront vite relâchés, puis jugés dans quelques mois. Les policiers en ont assez d’être pris à partie de manière systématique lorsque la République est aux abonnés absents »