L’installation des 95 caméras divise à Nantes
Le projet doit être voté ce vendredi en conseil municipal : l’installation de 95 caméras dites de vidéo-protection l’an prochain à Nantes. Des caméras qui divisent entre ceux qu’elles rassurent et ceux qui doutent de leur efficacité.
Nantes était jusque là la seule grande ville de France, avec Lille, à ne pas avoir de caméras. Ça va donc changer puisque, l’an prochain, ce sont 95 caméras de vidéo-protection qui seront installés dans 12 secteurs de la ville, là où il y a des problèmes : Bouffay, le Miroir d’eau, Graslin, Bellevue, Malakoff, les Dervallières ou encore le hangar à bananes. C’est ce qui doit être voté ce vendredi en conseil municipal.
Que de temps perdu !
Et le projet divise les élus nantais. Ceux de l’opposition, ceux de droite, annoncent qu’ils voteront pour. Les caméras, ça fait partie de leur programme depuis 2008, c’est donc une très bonne chose qu’elles arrivent pour leur chef de file, Laurence Garnier. Elle a tout de même un regret : « que de temps perdu ! Et c’est dommage parce qu’on constate tous les jours une intranquilité grandissante dans les rues de notre ville. Les Nantais le disent. On a vu ce qui s’est passé il y a encore quelques jours au hangar à bananes (une bagarre géante lors de laquelle 12 personnes dont 11 mineurs ont été arrêtés, ndlr). Maintenant, je me réjouis que ce dispositif se mettent en place et qu’il puisse contribuer à une meilleure tranquillité de nos concitoyens ». À gauche, les Communistes voteront pour les caméras mais la plupart des Écologistes voteront contre comme Nicolas Martin : « on regarde ce qui se passe ailleurs, en France et à l’étranger. Et on constate que ces caméras ont des résultats limités en terme d’élucidation et qu’elles ne contribuent pas à répondre au sentiment d’insécurité des citoyens. Dans les transports publics nantais, nous avons déjà un très grand nombre de caméras et, malgré tout, vous avez pu constater que cet été les chauffeurs s’inquiétaient de la montée des incivilités dans le tramway. Pourtant, les caméras étaient là ! ». Douze élus écologistes voteront donc contre ces caméras et trois pour, ceux qui sont proches de François de Rugy. D’après nos information, des élus socialistes pourraient aussi voter contre.
Dans l’espace public, les caméras ne jouent strictement aucun rôle. Les délinquants vont passer à l’acte dans la rue d’à côté
La question centrale, c’est donc l’efficacité de ces caméras. Qu’en est-il vraiment ? Nous avons posé la question a une spécialiste. Virginie Gautron est maître de conférence en droit pénal et en sciences criminelles à l’université de Nantes. Selon elle, les caméras répondent à « une forte demande sociale » mais leur efficacité la laisse septique : « il y a un certain nombre de travaux, dans les pays anglo-saxons qui démontre les effets extrêmement limités de la vidéosurveillance. A fortiori dans les espaces publics. La seule efficacité prouvée, ce sont dans les parkings souterrains. Mais, dans l’espace public, ça ne joue strictement aucun rôle parce que les délinquants, en tous cas en matière de violences, ne fonctionnent pas sur la base d’un comportement rationnel, en se disant ‘il y a des caméras, je ne passe pas à l’acte’. Ils vont passer à l’acte dans la rue d’à côté ». Et ce qui accentue sont scepticisme, c’est le coût de ces caméras : « les montants évalués par la cour des comptes, c’est quand même 35.000 euros par caméras en investissement auxquels il faut ajouter 7-8.000 euros pour le fonctionnement. C’est un budget conséquent et, moi, ma crainte, c’est qu’à partir du moment où les finances publiques sont ce qu’elles sont, on diminue les investissements pour d’autres programmes de prévention pour pouvoir assumer le coût de ces caméras qui, pourtant, ne sont pas particulièrement efficaces ».