La solidarité se cristallise depuis une semaine, avenue du Général Leclerc à Sochaux, autour de Mohammed Karmi, 46 ans, et de son fils Imad, 16 ans. « On glisse un petit billet, une pièce dans la main du papa, on se débrouille pour leur donner à manger, on vient les voir régulièrement pour savoir comment ils vont, on leur a apporté des vêtements aussi », explique Kaman Modif, copropriétaire du salon de coiffure L’Oasis. « Vendredi, on a fait une quête à la mosquée après la prière. »
L’histoire de ces deux Marocains et la façon dont ils sont arrivés en France sont invraisemblables. Porteur d’une maladie neurodégénérative sévère, qui s’est déclarée vers l’âge de 2 ans, et souffrant de graves problèmes respiratoires, Imad ne peut aujourd’hui, ni marcher, ni s’alimenter seul. Son père s’est mis en tête de le faire soigner en France « parce que le système de santé y est l’un des meilleurs au monde », explique-t-il avec l’aide d’un traducteur. « Mon fils a besoin de médicaments et d’une opération chirurgicale du dos pour stopper l’évolution de sa maladie. » Il ajoute : « Même le roi du Maroc Mohammed VI vient en France pour se faire soigner. Il a été opéré des yeux début septembre dans un grand hôpital parisien. »
Sous le coup d’une mesure d’expulsion
Mi-juillet, un visa Schengen en poche (valable du 15 mai au 12 août), Mohammed Karmi a sauté dans un bus à Casablanca… en portant son fils dans les bras. Sans fauteuil roulant, sans bagages, sans point de chute, ni contact en France, et avec trois cents euros péniblement économisés les mois précédents. Issu de la classe sociale la plus pauvre du Maroc, il vit de petits boulots qu’il décroche ici et là. Il gagne à peine de quoi faire vivre sa femme et ses deux autres enfants, des filles âgées de dix ans et quinze jours, restées au pays.
Mohammed et son fils ont débarqué à l’improviste au Centre hospitalier de Besançon environ quatre jours après leur départ de Casablanca. Pourquoi cet hôpital ? « Parce qu’on m’a dit que la pathologie de mon fils pourrait y être bien soignée. » Il a été reçu par un médecin, mais sans carte d’assuré social, impossible pour le corps médical de le prendre en charge. Devant la grande fragilité physique et psychologique de l’adolescent, l’hôpital l’a gardé une semaine. Mohammed, lui, n’a pas eu d’autre choix que de dormir dans la rue.
Alertés, les services sociaux se sont mobilisés. Le SAMU social leur a trouvé un logement en urgence et l’APF 25 (Association des paralysés de France) leur a fourni un fauteuil roulant. Une demande d’Aide médicale d’État (AME), un dispositif qui a vocation à prendre en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, est en cours d’instruction.
La situation de Mohammed et Imad Karmi s’est compliquée ces derniers jours avec une mise en demeure, notifiée le 18 septembre par le préfet du Doubs, de « quitter le territoire français sans délai » après l’expiration de leurs visas. En vue de leur expulsion, « ils ont été amenés à Sochaux », explique Kaman Modif, « mais quand la Police aux frontières (PAF) a vu l’état de santé du garçon, elle a estimé impossible de le déplacer. » Le procureur de la République de Besançon et le SAMU social doivent à nouveau se pencher sur cet incroyable dossier au début de cette semaine.