L’usage des armes par la police en augmentation : quelles significations ?
C’est un rapport de l’Inspection générale de la police nationale (la police des polices) qui le dit. Le recours aux armes à feu par les policiers serait en hausse significative, ces dernières années. Et, dans le même temps, comme pour accréditer ce constat et orienter le débat, un jeune gardien de la paix de 23 ans vient d’être mis en examen et suspendu de ses fonctions pour avoir tué, après une course-poursuite, un conducteur qui voulait se soustraire à un contrôle. Sur ce dernier point, c’est à la Justice qu’il appartiendra de dire si le fonctionnaire de police incriminé était ou non en état de légitime défense.
Si l’on s’en tient aux chiffres bruts, il est vrai que la tendance observée en matière d’usage des armes par la police peut être considérée comme lourde de sens. En effet, à période équivalente, entre le premier semestre 2015 et le premier semestre 2016, l’augmentation des tirs relevée par l’IGPN se situe à plus 65 %. Mais, derrière ce chiffre, se cache en réalité des nuances nettement plus subtiles. Tout d’abord parce que les tirs des policiers contres les personnes armées ou paraissant armées sont, pour leur part, restés stables (17 en 2015 pour 19 en 2016). Ensuite, parce que l’évolution du climat d’insécurité et l’augmentation des violences contre les forces de l’ordre (430 policiers blessés par armes sur la même période de référence) ont largement contribué à l’augmentation des tirs de sommation ou d’intimidation (2 en 2015 pour 19 en 2016). Tirs, par définition, sans conséquences directes, ils sont néanmoins, et fort justement, comptabilisés et alimentent des statistiques globales. Enfin, parmi ces tirs sont retenus les tirs accidentels qui, eux, posent d’autres questions auxquelles l’institution policière n’apporte souvent aucune réponse.
De ces quelques éléments, qui n’enlèvent en rien le caractère exceptionnel du recours aux armes à feu – rappelons que la police compte 130.000 fonctionnaires environ et que plusieurs dizaines de milliers d’entre eux patrouillent chaque jour dans les villes de France -, il convient de tirer quelques enseignements. En premier lieu, les chiffres sont à replacer dans leur contexte. Ainsi, le nombre de policiers armés en service quotidiennement, et les violences dont ils sont de plus en souvent l’objet, expliquent pour partie ce recours, en augmentation, à l’usage des armes (armes de dotation, lanceurs de balles ou taser). Ensuite, la période étroitement liée aux attentats terroristes que nous vivons. Celle-ci a considérablement modifié les comportements des forces de l’ordre, désormais sur le qui-vive en permanence. Enfin, le refus de certains automobilistes de se soumettre aux contrôles de police, également en nette augmentation, et qui deviennent des sources de menaces réelles, tant on sait que la voiture est devenue une arme couramment utilisée contre les forces de l’ordre, voire même contre la population.
Ces faits amènent toutefois une dernière observation : le nombre de procédures initiées contre les policiers est, à période équivalente, et toujours selon l’IGPN, resté stable. Ces éléments d’appréciation ne sauraient, toutefois, cacher une autre réalité. L’entraînement au tir des policiers est nettement insuffisant. Quelques dizaines de cartouches par an et un apprentissage a minimade l’utilisation des nouvelles armes en dotation dans les services ne peuvent que créer des situations difficiles à gérer par les policiers sur le terrain. Par ailleurs, les infrastructures indispensables (les stands de tir, en particulier) sont en nombre limité et souvent neutralisées pour des travaux d’entretien mal programmés ou inadaptés aux situations auxquelles les forces de l’ordre se trouvent confrontées lors de leurs missions.