Marseille : deux hommes exécutés en plein jour, cité La Castellane
Probablement victimes d’un règlement de comptes, ils ont été tués samedi d’une ou plusieurs balles dans la tête avant que l’un des corps ne soit calciné…
Au premier regard, hier après-midi, La Castellane (16e) offrait les images éthérées d’un samedi comme les autres. Se déversant des tours de ce gros village de 7 000 habitants, des grappes d’adolescent(e)s qui sprintent pour attraper le bus et s’aérer l’esprit loin du quartier, d’autres qui jouent, écoutent de la musique, se branchent, s’ennuient… L’un d’eux, assis sur un fauteuil qui surplombe l’entrée des blocs, paraît plus soucieux : il bosse. Il guette les allées et venues le visage dissimulé sous une cagoule. La routine, là encore.
Malgré les descentes de police à répétition, les arrestations impromptues, les réseaux démantelés, la destruction de la tour K – le bâtiment qui a vu naître Zinedine Zidane – le trafic de drogue impose toujours sa loi et ses codes dans un secteur où le recrutement est aisé ; le taux de chômage y dépasse les 40 % de la population active.
La méthode dite du « barbecue » a été pratiquée, cette fois, à même la chair…
Cette entreprise lucrative, aux méthodes de licenciement radicales, a-t-elle une nouvelle fois semé la mort, hier, à l’ombre de cette cité pauvre, sur une route voisine menant à une zone pavillonnaire ?
C’est en tout cas la piste privilégiée après la double exécution hier de deux individus âgés entre 20 et 30 ans d’une ou plusieurs balles tirés dans la tête, en plein jour. Avant de prendre la fuite, les auteurs ont meme pris le temps de mettre le feu à au moins l’un des corps, certainement pour retarder son identification. Une méthode dite du « barbecue » pratiquée, cette fois, à même la chair… « Compte tenu du mode opératoire, on s’inscrit dans le cadre d’un règlement de comptes, très vraisemblablement lié au trafic de stupéfiants » n’a pas fait mystère le procureur de la République, Xavier Tarabeux.
Il était aux environs de 14 h, chemin de Bernex, quand un équipage de police a été appelé, certainement par des voisins, sur cette scène de crime glauque : à proximité d’une voiture abandonnée, qui pourrait être celle des victimes, gisait un cadavre, calciné. Non loin, étendu au sol, un autre homme également ciblé par le ou les tireurs, mais encore vivant. Placé en réanimation, il est finalement décédé hier soir des suites de ses blessures. « Il s’agit très probablement d’un guet-apens » estime une source policière, qui n’écarte pas totalement l’hypothèse d’individus « tués un peu avant, transportés et jetés sur place. »
Selon le scénario privilégié, toutefois, les deux jeunes majeurs seraient à peine sortis de leur véhicule qu’ils ont été atteints à bout portant par des tirs d’armes de poing de calibre 9 millimètres.
Que venaient-ils faire à proximité de La Castellane ? « Ils ne sont pas du quartier, sinon on aurait eu la foule sur place dès les décès connus, glisse un policier. On ne prend pas ce chemin par hasard, il mène à des maisons. La voiture était garée. Ils avaient peut-être rendez-vous pour une transaction qui s’est mal passée… »
Sur place, les enquêteurs de la police judiciaire ont fait une première découverte : un bracelet électronique appartenant a priori au premier tué, signe qu’il sortait de détention. « C’est possible… Mais pour l’heure, on en est au stade de l’identification. Vu l’état du corps, ça prend du temps », tempère un gradé.
Egalement présent sur les lieux de ce double homicide glaçant, le député du secteur Saïd Ahamada (LREM) a fait part de son émotion : « Je suis là pour marquer mon refus de la banalisation, a-t-il asséné. Nous ne sommes pas face à un ou deux règlements de comptes isolés, non, on compte des dizaines de morts par an. C’est devenu un problème de société. Tout un pan de la population est concerné, elle a été ghettoïsée et elle se trouve abandonnée par la République. » Reste le plus compliqué, sortir du constat.