Marseille : la « justice » municipale cogne sur les commerçants
La cellule de citoyenneté lutte contre les infractions sur la voie publique
Ce n’est pas un mauvais bougre Habib (*). La cinquantaine passée, il veut juste faire vivre sa boutique de vêtements de l’avenue Camille-Pelletan (Marseille 2e). Quitte parfois à faire quelques entorses avec la loi. Pour son cas, c’est son étal qui pose problème. Une fois, deux fois, trois fois, les policiers municipaux sont passés le voir pour lui rappeler l’interdiction de vendre sa marchandise à même la rue. À chaque fois, Habib a remballé ses affaires pour mieux recommencer le lendemain.
Un peu l’impression d’être prise pour une imbécile, la municipalité a décidé de passer la vitesse supérieure. Sans faire appel à la case justice, elle l’a convoqué hier à une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique. D’habitude, les chaises de la très solennelle salle des mariages de l’hôtel de ville supportent le poids de la culpabilité de collégiens à l’absentéisme répété ou des fauteurs de troubles sans casier judiciaire. La séance d’hier faisait la part belle aux commerçants. « Et ça va monter en puissance », prévient l’ajointe LR à la sécurité Caroline Pozmentier en charge de cet organe. Écharpe tricolore bien ajustée, discours pédagogue et ferme à la fois pour rappeler les « efforts de la ville en matière d’espace public », l’élue prend à coeur son rôle au côté d’un responsable de la police municipale, de la police nationale et du délégué du procureur Bernard Guillemant. Face à Habib, ce dernier tape du poing sur la table. « Ce que vous faites, Monsieur, c’est inadmissible ! », tonne-t-il d’entrée. Le petit sourire en coin du commerçant s’efface. Ses étals sauvages sont priés d’en faire autant. « Car c’est de la vente à la sauvette. Si vous continuez, je demanderai à la police nationale de saisir la marchandise et de la détruire », menace le représentant du parquet.
Habib se justifie. Parle de ses difficultés financières. Plaide le fait de ne pas être un cas isolé sur l’avenue. « Le tribunal municipal » écoute puis rend son verdict. « Monsieur, vous pouvez vous lever », lui intime d’abord Caroline Pozmentier, avant de prononcer un « rappel à l’ordre solennel ». Pas de sanction, juste de la prévention accentuée. Habib quitte la salle. Un commerçant peu regardant sur les volumes d’ordures vidés chaque jour le remplace. Lui aussi écopera d’un rappel à l’ordre.