Marseille-Les Crottes : en pleine ville, des rues bouchées par des déchets
On dit souvent qu’à Marseille, « rien ne se passe comme ailleurs »
On dit souvent qu’à Marseille, « rien ne se passe comme ailleurs », surtout lorsqu’il s’agit d’expliquer l’inexplicable en matière d’incivilités. Mais le quartier des Crottes (15e), pourtant en plein périmètre Euromed 2, relève encore d’une autre dimension. Claire y vit depuis 1975. Autant dire qu’en plus de 40 ans, cette habitante de la rue Joséphine pensait avoir tout vu.
Jusqu’à ce que, jeudi soir, un bruit de moteur la pousse à descendre dans la rue, pour s’assurer que la situation n’était pas plus anormale que d’habitude. Mais lorsqu’elle a ouvert sa porte, Claire a cru halluciner. Un camion-benne était en train de vider son chargement de gravats devant chez elle, au beau milieu de la route. »J’ai hurlé tout ce que j’ai pu, j’ai insulté le type au volant en lui disant que j’allais le prendre en photo, explique-t-elle, Mais d’un coup, il a mis la première et m’a foncé dessus, benne toujours baissée. Si je ne m’écartais pas, il m’écrasait ! » Claire a aussitôt appelé le 17, « mais ils m’ont renvoyé vers la police municipale, qui m’a renvoyé à nouveau vers la police nationale« , s’étrangle celle qui n’a pas renoncé à déposer plainte.
En toute impunité
Et ça ne sera pas la première. En janvier, déjà, elle était allée au commissariat avec les immatriculations des véhicules qui, tous les jours ou presque, vident des chargements de pneus, huile de vidange, éverites et autres déchets difficiles à éliminer. Elle est, depuis, sans nouvelles. L’impunité est si manifeste que les « délinquants de la propreté« , comme on les appelle dans la vallée de l’Huveaune (voir ci-dessous), ne prennent même pas la peine d’enlever leur adresse sur les cartons de pièces détachées qui encombrent le trottoir. Une société de l’avenue Gay-Lussac (14e) fait manifestement partie des principaux « fournisseurs » du quartier.
« Il y a aussi les fruits et légumes pourris, dans des cageots bien emballés, que d’autres professionnels viennent déverser. Les rats se régalent« , ajoute la riveraine, qui interpelle régulièrement les « déverseurs » et reçoit menaces et insultes en retour.
À deux pas, dans les locaux des services du patrimoine du Conseil départemental, les agents sont également excédés. « On appelle Allô mairie, la métropole, tout le monde. À chaque fois, on a un numéro de dossier, ils passent avec une benne minuscule, enlèvent un peu, et deux heures après, il y en a trois fois plus« , explique un cadre du service, en montrant un cahier constellé de dizaines de Post-it sur lesquels il consigne ses appels et les numéros de dossier.
Une rue entière rayée de la carte sous 2 m de pneus
Le problème remonte à plus d’un an, depuis la démolition de l’usine qui occupait le terrain face à l’appartement de Claire, et qui est aujourd’hui en friche. La situation a tellement dégénéré que le boulevard de Vintimille, qui contourne le site a été transformé en impasse, bloqué par des gravats et des pneus déversés sur deux mètres de hauteur.
Quant à l’arrivée d’eau qui subsiste de l’ancienne usine, elle sert tantôt de douche, tantôt à remplir des cuves. « On appelle les services tous les jours, et ils se renvoient la balle. Ils ont abandonné ce quartier, se désole Claire. On a l’impression qu’on veut nous pousser à partir. »
Vendredi matin, Claire a aperçu un engin de nettoyage dans sa rue, stationné de biais sur le trottoir. Elle s’est précipitée vers son sauveur, pensant que l’armada était enfin arrivée pour déblayer. Avant de tomber nez à nez avec le chauffeur accroupi derrière son engin, occupé à faire ses besoins.
Florent Bonnefoi
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