Marseille : les policiers municipaux passent derrière la caméra
Ils sont désormais équipés de caméras-piéton pour filmer les contrôles…
Garée sur le bas-côté, la conductrice prise en faute tente d’abord la contrition.« Je ne recommencerai plus », promet-elle d’une petite voix. « Madame, ça ne marche pas comme ça. Vous téléphoniez au volant, c’est interdit. Vos papiers… », déroule le policier municipal, implacable. C’est alors qu’elle hausse de ton :« Avec tout ce qui se passe à Marseille, vous n’avez vraiment rien d’autre à faire ? »Devant la tournure aigre prise par le contrôle, l’agent prévient : « Vous êtes à la limite de l’outrage. À partir de cet instant, vous êtes filmée », annonce-t-il en déclenchant la mini-caméra agrafée à la boutonnière de son uniforme. Résultat ? Fin de polémique, forcée. PV dressé. 90 euros à débourser. Merci. Adios…
80 000 euros d’équipement
Voilà pour le contenu de l’une des pastilles promotionnelles filmées, il y a quelques jours, sur le terrain, par des fonctionnaires en service. Et diffusées hier à la presse pour démontrer « l’efficacité » des caméras-piéton dont est désormais munie, à l’instar de nombreuses autres villes françaises, la police municipale de Marseille. « Les services de police qui les ont déjà expérimentées ont remarqué que les contrevenants se sachant filmés adoptent une attitude immédiatement moins conflictuelle avec les forces de l’ordre », appuie de bon coeur Jean-Claude Gaudin (LR). Un maire de Marseille pour qui cet équipement chiffré à 80 000 euros va « protéger non seulement les agents mais aussi offrir toutes les garanties aux citoyens ». « Et nous allons continuer à fournir à notre police les dernières innovations ! », promet l’élue à la sécurité Caroline Pozmentier (LR).
Autorisé par un décret gouvernemental publié fin 2016, ce dispositif actif à Marseille depuis le 18 septembre dernier permet déjà à une centaine d’agents (sur 422) d’enregistrer leur intervention à partir du moment où ils estiment « qu’elle est en train de déraper ». Mais à condition toutefois de prévenir la personne contrôlée et/ou verbalisée. La vidéo est ensuite transférée sur un support numérique, conservée dans un délai maximum de six mois, puis écrasée. Avant cela, « elle peut être produite pour appuyer une procédure, sur demande d’un officier de police judiciaire », explique Marc Labouz, le directeur de la police municipale. Qui dégaine les chiffres : « Les outrages ont explosé en 2016 : 80 affaires et 335 agents concernés contre 27 victimes en 2013. Il faut inverser la courbe ! », tempête-t-il. « C’est vrai qu’à Marseille, ça monte vite enpuissance, confirme un agent, mais là, dès qu’on parle de la caméra, ça redescend tout aussi rapidement. » Avant de confier… « qu’on s’en est très peu servi pour le moment ». À ce jour, en effet, en presque un mois, une seule procédure a été ouverte à la suite d’un enregistrement. Et encore, précise Marc Labouz, « la personne a reconnu l’outrage. Nous n’avons donc pas eu à produire les bandes. Mais ce n’est que le début, on fera le bilan plus tard… »
Pas en continu
En sens inverse, Jean-Claude Gaudin veut croire que « ces mêmes images »fourniront désormais » la preuve en soi du respect de la déontologie par les agents lors de leurs interventions sur la voie publique ». Bémol de taille : avec une vidéo déclenchée au bon vouloir des fonctionnaires, et pas en continu, contrairement aux recommandations de la Cnil (1), qui peut imaginer un caméraman-policier immortaliser une scène le mettant en cause ? « Les gens nous filment déjà tout le temps avec leur portable, balaye l’un d’eux, nous serons donc à égalité et ça va calmer. » À défaut de relations pacifiées, une politesse de cinéma.
(1) Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Laurent d’Ancona