Marseille, Metz ou les petites villes: elles arment leurs polices municipales
En janvier, Bernard Cazeneuve promettait la répartition à titre gracieux de 4000 revolvers aux policiers municipaux en quête d’une plus grande sécurité. À ce jour, plus de 2400 armes de poing ont été distribués.
Depuis plusieurs semaines, les Beauvaisiens ont eu droit à une série de tracts, des conseils municipaux animés et deux conférences pour « le grand débat sur l’armement de la police municipale« . Chose inédite en France sur le sujet: la maire a décidé d’organiser une consultation citoyenne avant d’adresser un dossier à la préfecture, ultime décisionnaire. Ce dimanche, les habitants doivent se rendre dans leurs bureaux de vote pour se prononcer en faveur ou non d’une police municipale équipée d’armes létales.
« Ce qui m’intéresse, c’est la participation. J’espère qu’au moins 25% de la population se déplacera », confie Caroline Cayeux, maire Les Républicains de la ville qui compte 55.000 habitants. Si les syndicats représentant les 50 policiers municipaux étaient pour, « à l’intérieur de l’équipe municipale majoritaire, les avis étaient partagés. C’était l’occasion de donner la parole aux habitants ».
Face à une police municipale dont les missions de proximité se sont intensifiées et diversifiées, elle reconnaît que les attentats de janvier ont été un déclic supplémentaire. « Ça faisait longtemps que la police municipale parlait d’armement au moment de missions dangereuses la nuit. Par ailleurs, nous avons parmi nos agents des réservistes de la police nationale ou de la gendarmerie qui ont déjà manipulé ces armes. Ils nous ont confié leur amertume de ne plus pouvoir le faire quand ils partent en primo-intervenants sur un terrain jugé dangereux comme pour des interpellations dans des foyers de drogue ».
Le traumatisme des événements de janvier
Les semaines passent et les journaux de la presse régionale se remplissent d’articles et de tribunes exposant le pour et le contre des armes de poing pour la police municipale. Metz, Orléans, Tarbes ou encore Mende, une commune de 12.000 habitants en Lozère. Un débat qui est loin d’être neuf en France mais a été réactivé par la mort d’une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, tuée d’une balle dans le dos le jeudi 8 janvier par Amedy Coulibaly à Montrouge.
Dans la foulée du choc des événements de janvier, le ministère de l’Intérieur s’était engagé à attribuer aux communes volontaires 4000 revolvers Manurhin de calibre 357 issues du stock de la police nationale. Jusqu’alors, la législation n’autorisait pas la manipulation de telles armes par la police municipale. Chose faite avec un décret paru le 29 avril qui précise que ces armes, à utiliser avec « des munitions de calibre 38 spécial », seront maniées « pour une durée de 5 ans, à titre expérimental ».
Si, à Beauvais, la décision n’est pas encore actée, d’autres communes ont déjà reçu l’aval de leur préfecture et attendent leurs armes à feu et la formation de leurs agents. Selon les informations recueillies par l’Express auprès du ministère de l’Intérieur, 2460 armes de poing ont été à ce jour attribuées à 275 communes. « Elles sont en cours de livraison au fur et à mesure que les armes sont remises en condition et vérifiées pour voir si aucune pièce ne doit être changée », précise-t-on.
Marseille a récupéré un dixième du stock
La première distribution de 406 revolvers a eu lieu à Marseille lors de la visite de Bernard Cazeneuve. Elles sont actuellement entreposées dans les locaux de la police nationale dans l’attente de l’approvisionnement en munitions via un marché public et de la formation des agents, signale Caroline Pozmatier, adjointe au maire déléguée à la sécurité publique et à la prévention de la délinquance. Jusqu’à maintenant, les policiers municipaux marseillais bénéficiaient d’armes non létales de type taser et flashball ou de matraques. « Dès le mois de janvier, les policiers marseillais commenceront leur formation. Les premiers seront les 50 volontaires de la brigade de nuit nouvellement créée », ajoute-t-elle.
« La phase de répartition des armes a déjà été enclenchée, l’Etat est maintenant dans cette seconde phase de distribution physique des armes mais pour l’instant, aucune formation préalable aux armes n’a été dispensée dans ce cadre », assure Olivier Degeorges, responsable du pôle de compétences « Sécurité et police municipale » du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Et cela risque de prendre du temps si 4000 agents doivent être formés. Avant de pouvoir utiliser ces armes, les policiers municipaux sont tenus de suivre un enseignement juridique de 12 heures sur les conditions d’utilisation de l’arme – principalement, la légitime défense – et d’entraînement au tir de 45 heures où les agents sont tirent 200 cartouches.
L’appel du pied de la place Beauvau
Mais ce qui s’est passé en accéléré à Marseille n’est pas le quotidien des autres communes. Après ses déclarations en janvier, la Place Beauvau a rajouté son grain de sel à la fin du mois de mai. Dans une circulaire, le ministère rappelait « la démarche globale » dans laquelle s’inscrivait ces demandes d’armement et précisait que « les refus devraient revêtir un caractère exceptionnel et donner lieu à une argumentation motivée ».
La syndicat Police Municipale-FO admet avoir envoyé plusieurs courriers au ministère à chaque fois qu’un refus d’une préfecture était rendu avec l’unique motivation de l’absence de délinquance dans la commune. « C’est un faux problème et la tragédie de janvier l’illustre bien. Imaginez si les frères Kouachi étaient tombés nez à nez face à une brigade de la police municipale de Dammartin-en-Goële aux abords de l’imprimerie. Certes, l’armement n’est pas une garantie que l’on rentre à la maison mais on pourra riposter et, du moins, tenter de limiter les dégâts », justifie Patrick Lefebvre, secrétaire général. Pour l’heure, il assure que des communes en Vendée ou en Ariège ont essuyé de tels refus.
La démarche semble aussi être facilitée pour des communes qui avaient formulé un souhait d’armement auprès de préfectures qui leur avaient jusqu’alors donné une fin de non-recevoir. Et ce, bien avant les événements de janvier. Exemple dans le Val d’Oise avec la mairie UDI de Saint-Brice-sous-Forêt demandeuse depuis une dizaine d’années et qui doit prochainement signer l’avenant d’une conventionentre la police municipale et la police nationale pour équiper d’une arme la ceinture de 7 agents.
Déjà des armes à feu pour 40% de la police municipale
En parallèle de cette mise à disposition d’une partie du stock des revolvers de la police nationale, certaines communes comme Chalon-sur-Saône ont décidé de solliciter les préfectures et se procurer des armes avec leurs propres deniers publics, en comptant notamment sur les 2.4 millions d’euros supplémentaires accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance. Le maire apparenté FN de Béziers, Robert Ménard, vient lui de soumettre un appel à un marché public pour se procurer des nouveaux pistolets semi-automatique calibre 7,65, des munitions et des accessoires pour la somme annuelle de 29.000 euros après une campagne de communication de choc en février.
Près de 40% des effectifs de la police municipale en France sont déjà équipés d’armes à feu – des armes que l’on dit de catégorie B comprenant, entre autre, des revolvers semi-automatique de calibre 7.65 mm ou des pistolets à impulsion électrique dits Taser. Mais dans ces statistiques révélées par une récente réponse du ministère de l’Intérieur à un député, nul détail n’est fourni sur les proportions. La prudence côté chiffres est également de mise quand on s’interroge sur le nombre de fois où ces armes ont été utilisées par les polices municipales. « C’est rarissime », argue-t-on. On apprendra tout juste qu’elles sont essentiellement maniées « dans la région francilienne, lyonnaise et au sud-est de la France ».
source : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/marseille-metz-ou-les-petites-villes-elles-arment-leurs-polices-municipales_1719120.html