Marseille – Police de sécurité du quotidien : les 11 chantiers du préfet
Olivier de Mazières, le préfet de police, a présenté hier aux élus ses projets pour la police de sécurité du quotidien. Il nous en livre en exclusivité le détail avec un leitmotiv : « Pas d’idéologie »
Il y a quelques jours, nous émettions dans ces colonnes une interrogation : la « PSQ », lancée début février par le ministre de l’Intérieur, est-elle une coquille vide ultra-marketée ? En guise de réponse, le préfet de police Olivier de Mazières a livré hier à La Provence le détail des 11 chantiers « sur-mesure » applicables immédiatement.
Plus de coordination
Le préfet de police, le « p-pol » dans le jargon, va créer des « conseils de sécurité » (polices nationale et municipale, politique de la ville, travailleurs sociaux, bailleurs, CAF, conseil d’intérêt de quartiers etc.) dans chaque arrondissement à Marseille, chaque ville du département, et chaque compagnie en zone gendarmerie. « Cela sera la seule instance du pilotage de la lutte contre la délinquance, pour partager deux fois par mois les infos et trouver des réponses concrètes, comme dans la lutte contre la radicalisation », assure-t-il.
Un décloisonnement que le « p-pol » étendra aux transports. « On n’a pas de continuité dans la sécurité des TER, de la SNCF, des métros, bus et tramways RTM, des bus Cartreize, alors que tout est imbriqué. Je veux une mise en commun des informations entre sécurité publique, police aux frontières, douane, police municipale, CRS et Sentinelle, et qu’on n’utilise plus la loi Savary qui autorise par exemple la fouille des bagages des voyageurs ainsi que des palpations de sécurité pour lutter contre la fraude, la radicalisation, et la menace terroriste, en passant au crible les agents bien sûr mais aussi les passagers. Les caméras de ces transports nous permettent déjà d’identifier un certain nombre de personnes enregistrées dans le fichier des personnes recherchées », continue le premier flic du département qui pilotera lui-même ces réunions.
Un effort sera aussi fait pour protéger des vols et autres rackets les chantiers du BTP dans les cités sensibles. « On va faire des réunions sur site en amont, des policiers vont former sur quelques réflexes à avoir ceux qui interviendront sur les chantiers, et on mettra des policiers en renfort lors de livraisons de matériels sensibles », indique Olivier de Mazières, qui entend, enfin, s’attaquer à la problématique des personnes atteintes de troubles psychologiques. « De la petite agression, au drame de cette dame écrasée à l’abribus l’an dernier en passant par les nuisances de voisinage, il n’y a pas une journée sans qu’on ait connaissance d’un fait impliquant une personne souffrant de ces troubles. C’est complexe, mais on ne peut pas rester les bras ballants ! ». À suivre…
Plus de souplesse
Déjà mises en place dans 20 communes du département, dont Châteaurenard qui en avait été à l’initiative et Marseille qui l’a largement développée, le préfet de police propose de généraliser les cellules de citoyenneté et de tranquillité publique. « Cela évite des procédures policières, ça désengorge un peu la justice, et soulignele rôle du maire dans la sécurité de son secteur, en imposant, dans le cadre de la toute petite délinquance, une indemnisation de la victime contre un abandon des poursuites », juge-t-il.
Mais surtout Olivier de Mazières vise une audacieuse révolution numérique : interconnecter les caméras de vidéosurveillance de la Ville, celles de la SNCF, de la RTM, des bailleurs sociaux, des centres commerciaux, des entrées des établissements scolaires, des sites touristiques, du stade Vélodrome, des autoroutes, du Port… « Le but est que tout soit accessible au niveau du centre d’information et de commandement (CIC) de l’Évêché, ça permettra de faire plus de flagrant délit et ça sera très utile lors de grandes manifestations ».
Plus de contact
Chaque maire de secteur marseillais, de commune et chaque parlementaire se verront attribuer les coordonnées d’un policier ou un gendarme référent avec lequel il aura un contact hebdomadaire. Le préfet veut aussi doper l’élan du recrutement de réservistes (souvent d’anciens policiers et gendarmes) pour être des « facilitateurs dans les cités ».
Olivier de Mazières mise aussi sur le centre de loisirs jeunes de la police, qui accueille déjà 6 000 jeunes, souvent de cités, chaque année, pour « faire tomber les méfiances réciproques et pourquoi pas susciter des vocations », et sur un meilleur accueil des victimes : « Parce que dans la vraie vie, il faut parfois poser une demi-journée pour déposer plainte et que cela décourage les gens, il faut développer la pré-plainte sur internet. Je veux aussi qu’on s’assure qu’une main courante n’est pas une plainte déguisée. Il y a un chiffre noir de la délinquance et on ne peut pas avoir une stratégie avec des données incomplètes ».
Enfin, une vingtaine de policiers seront affectés à la fameuse « reconquête républicaine » dans certaines zones des 3e, 14e et 15e en septembre, et une vingtaine dans le secteur Saint-Charles en janvier 2019. « Leurs profils et rôle seront bientôt déterminés », indique le préfet. Ces chantiers seront évalués tous les 6 mois : « Quand ça marche pas, on arrête. Je veux du pragmatisme, pas d’idéologie… »
Romain Capdepon