J’ai eu la triste chance d’être le premier à visionner, avant même sa première présentation publique, le film que Raphaël Delpard vient de consacrer, après des années de travail opiniâtre, dans des conditions difficiles, au sort douloureux des chrétiens (mais aussi d’autres minorités religieuses) en Orient et dans le monde. Raphaël Delpard est loin d’être un inconnu des lettres et de l’image françaises : une trentaine d’œuvres littéraires et théâtrales, des prix littéraires, une dizaine de films.
S’il ne fait pas mystère de sa distance d’avec les choses de la religion, et même de la foi, il semble pourtant avoir été fasciné par le mystère de cette persécution : un triple mystère. Pourquoi le christianisme est-il persécuté à mort par des régimes et des sociétés aussi différents que la Corée du Nord, l’Inde et le Pakistan, l’Iran, l’Irak et l’Arabie, la Turquie et l’Égypte ? Pourquoi la France a-t-elle renoncé à sa tradition diplomatique et militaire qui fut, depuis si longtemps, de protéger les minorités chrétiennes dans le monde ? Quant à la quête du troisième mystère, elle est peut-être en partie inconsciente chez Delpard lui-même : si le moteur interne de la persécution par les sociétés criminogènes ou les régimes criminels est déjà difficile à élucider, le mystère est encore plus impénétrable lorsqu’on tente de comprendre le moteur interne des chrétiens qui les pousse à endurer, mourir, plutôt que de sauver leurs vies et leurs pauvres destins. Des images de chrétiens en larmes et en prières, yeux levés, mains jointes reviennent souvent, comme un leitmotiv, pour mieux souligner que c’est là le principal secret qui fascine l’auteur.
Nous disons bien l’auteur et non le réalisateur, car La Persécution des chrétiens dans le monde est conçu plus comme une œuvre littéraire que comme un film ou même une enquête, un reportage, genres dont l’auteur s’écarte délibérément. Certes, les faits sont brièvement énoncés : destructions d’églises, enlèvements de fillettes, mariages forcés par centaines, vente comme esclaves, viols, égorgements collectifs. Ils sont terribles. Et multiformes. De la Corée du Nord à la Chine, l’ex-URSS, Vietnam, Cuba, ce sont des régimes qui persécutent, très juridiquement, pour des raisons politiques et dogmatiques. Mais il y a aussi des sociétés où la persécution vient spontanément, de la rue : Inde, Pakistan, Iran, Turquie, Égypte. Les masses vite fanatisées y crucifient, égorgent, violent, brûlent. Au nom de la religion ou de l’opinion qu’elle s’en font ; de « traditions », de rumeurs, et d’une certaine idée – pas si démentie par les faits – que la société (foule, police, justice) sera volontiers portée à assurer l’impunité. C’est le phénomène pogrom, dont des sociétés, tribales ou même chrétiennes, ne se sont pas préservées. Mais avec l’islam – et, dans une moindre mesure, le nationalisme hindou au pouvoir -, on franchit une étape, celle de la doctrine plus ou moins officiellement hostile au christianisme, qui est parfois même purement interdit, comme en Arabie. Car l’islam est la seule religion qui écrit très officiellement son hostilité aux juifs et aux chrétiens, sans même parler des « idolâtres » et « polythéistes » (on y range même la Sainte-Trinité) si facilement et, bien sûr, si faussement dénoncés. La seule qui prône et pratique la guerre, l’esclavage, le meurtre. Certes, les docteurs de la loi islamique sont prompts à ratiociner la lettre coranique pour y trouver, outre le poison, le contrepoison de la tolérance et du respect, dans une contradiction permanente et une ambiguïté bivalente bien commode du texte.
Le film de Raphaël Delpard, La Persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde, est à voir absolument dès le mercredi 15 novembre à Paris :
Complexe de cinémas Le Lucernaire, 53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 :
– mercredi, jeudi : 20 h 30
– vendredi, samedi, dimanche : 14 h 30 – 16 h 30 – 18 h 30 – 20 h 30