Mayotte : les Comores ne veulent pas récupérer leurs ressortissants
Les bateaux affrétés par la France avec à leur bord des citoyens comoriens en situation irrégulière à Mayotte sont refoulés par les Comores.
Mercredi soir, les autorités comoriennes ont refoulé un bateau affrété par la France. À son bord, 93 citoyens comoriens qui vivaient en situation irrégulière à Mayotte. Après deux heures d’attente devant le port de Mutsumudu, le bateau a dû rebrousser chemin. Mais tous les passagers n’ont pas été reconduits contre leur volonté. « Rien que mardi matin, j’ai conduit six Comoriens jusqu’au centre de rétention administrative, où ils allaient se porter volontaires au retour. Ils se sentaient trop en danger pour rester à Mayotte », nous confiait mardi Abdou, chauffeur de taxi sur Petite-Terre. Même si la préfecture n’a communiqué aucun élément à ce sujet, les départs volontaires – ou tout au moins leurs tentatives – se multiplient sur l’île. Ils s’élèveraient à « plusieurs dizaines de cas rien que pour la semaine dernière », d’après une source policière.
ll n’existe à ce jour aucun accord d’extradition entre la France et les Comores, qui contestent la légitimité de la France à Mayotte. Ce refus de la part des autorités comoriennes du retour de leurs ressortissants ne devrait pas permettre d’apaiser les tensions qui règnent en ce moment à Mayotte. La grève générale qui paralyse le 101e département français, au nom de la sécurité et de la lutte contre l’immigration clandestine, s’éternise.
« Que la France vide les lieux »
La décision de bloquer le bateau a été prise mercredi matin, dans un document signé par le secrétaire d’État comorien aux Transports, qui précise : « En raison de la crise sociale qui prévaut dans l’île comorienne de Mayotte et pour des raisons de sécurité, il est interdit aux compagnies maritimes et aériennes qui desservent cette île d’embarquer à destination des autres îles sœurs toute personne considérée par les autorités qui administrent Mayotte comme étant en situation irrégulière, et ce, jusqu’à nouvel ordre. »
Le discours politique offensif contre la France est bien ancré dans la région. Samedi 17 mars, le ministre des Affaires étrangères des Comores « chargé de la diaspora », Souef Mohamed El-Amine, a déclaré au journal comorien Al-Watwan : « Ce qui se passe à Mayotte prouve l’échec de la France. L’administration française à Mayotte est temporaire. Elle sait pertinemment que l’île ne lui appartient pas. Que la France vide les lieux et nous remette les clés. » En attendant, le gouvernement comorien annonce « poursuivre » des mesures de surveillance sur les côtes pour stopper le flux, alors que les forces de police et de gendarmerie françaises, dont la mobilité est entravée par les barrages sur l’île, notent de leur côté une augmentation de l’arrivée des kwassa-kwassa, ces embarcations en provenance des Comores.
« Le coupable est tout trouvé »
Dans une interview à Mayotte la première, Thomas M’Saïdié, maître de conférences au centre universitaire de Mayotte, considère que les autorités comoriennes font un usage politique de l’émigration. « Les Comores considèrent – à tort – que leurs ressortissants, en se rendant à Mayotte, ne font qu’exercer une liberté fondamentale garantie par l’État comorien à l’intérieur de l’archipel, à savoir la libre circulation des personnes. Pour elles, le coupable est tout trouvé, c’est la France. La démarche des autorités comoriennes (…) vise en réalité à encourager le phénomène. »