Les années passent, sa détermination demeure. Farouche, inoxydable. Bruno Bigler est le frère de Corinne, assassinée le 8 février 1992 à son domicile… Qui, quoi, pourquoi ? Un quart de siècle plus tard, le mystère autour de l’homicide de sa petite sœur reste douloureusement compact.

Originaire de Roulans, la jeune victime suivait un BTS commercial à Dole, mais revenait chaque soir à Besançon dans un petit appartement aménagé sous les toits, qu’elle partageait avec son amoureux. Corinne était âgée de 21 ans lorsque ce dernier l’a retrouvée morte, étranglée, gisant dans sa baignoire à moitié remplie d’eau (lire ci-dessous).

« Je me souviens du soir où le copain de Corinne me téléphone, c’était un samedi. On arrive sur place avec mon père en pensant à un accident, et là, c’est l’incompréhension. Je comprends tout de suite que c’est un meurtre », revit Bruno, gendarme à l’époque. Ses réflexes sont aiguisés. Il connaît toutes les procédures, tous les rouages d’une telle enquête. « Je pensais que l’affaire sortirait en quelques jours. Mais les semaines passent vite, ensuite les mois, les années… »

Le regard de Bruno se voile un instant. Il se reprend aussitôt. « J’ai toujours eu la conviction que l’enquête aboutirait un jour. Je le pense toujours : 25 ans après, il se peut que l’auteur soit décédé mais si ce n’est pas le cas, il peut difficilement garder tout ça pour lui. Il en aura peut-être parlé à quelqu’un ? Ce dont j’avais surtout peur, c’est de la prescription. Je n’aurais pas pu admettre que la vérité sorte sans qu’on puisse faire quoi ce soit… »

Le père et la mère de Corinne, « 2e  et 3e  victimes de ce crime »

Ce ne sera pas le cas. Les espoirs se résument désormais en trois lettres : A-D-N. Un temps ensevelis dans les coulisses, les scellés de l’époque ont été exhumés. D’autres investigations sont par ailleurs en cours. Du côté de la police judiciaire de Besançon, on planche sur ce « cold case » depuis quelques mois déjà.

Arrive-t-il désormais à Bruno d’imaginer rencontrer, aux Assises ou ailleurs, le meurtrier de sa sœur ? « On verra, je ne pense pas à ça. La déception serait trop grande si ça n’aboutissait pas. Je suis très pragmatique. Disons déjà que c’est une chance supplémentaire de fermer quelques portes », glisse-t-il avec sa retenue naturelle.

« Avant, j’avais davantage de colère, davantage de rage. Ce sentiment de haine s’est peu à peu éteint. Après, peut-être que si j’avais l’auteur en face de moi… » Bruno suspend sa phrase, avant de lâcher d’une salve : « Tout ce que je demande, c’est la vérité et la justice. Je ne lâcherai jamais. »

Ses pensées sont toutes entières tournées vers Michel et Bernadette, ses parents. « Les deuxième et troisième victimes de ce crime », selon lui. « Ils ont déclenché un cancer, mon père a disparu en 2011, ma mère en 2015. Lui gardait tout pour lui, elle en parlait sans cesse. Avec elle, tout le monde était suspect, ça devenait une obsession. Corinne était née un 27 décembre. Les fêtes de fin d’année étaient une horreur pour nous. Si l’affaire finit par sortir, mon seul regret sera que mes parents ne soient plus là pour connaître la vérité. »

8 février 1992 : retrouvée étranglée et nue dans sa baignoire

Qui a rendu visite à Corinne Bigler, ce samedi après-midi du 8 février 1992 ? La réponse à cette question cruciale, terrible, lancinante, reste inconnue depuis 25 ans. Son voisin déclarera aux enquêteurs avoir entendu des pas et des bribes de voix, sans pouvoir fournir davantage de détails. La jeune femme de Roulans a été découverte par son petit ami, en début de soirée, immergée dans une vingtaine de centimètres d’eau , nue, le corps seulement orné de ses bijoux. À l’entrée de la salle de bain, une bouteille de verre brisée gisait au sol. Les deux portes d’accès à l’appartement situé au 15, rue du pont de Velotte, quartier réputé tranquille de Besançon, avaient été laissées entrouvertes.

Les résultats de l’autopsie, quelques jours plus tard, ont levé le voile sur les circonstances initialement confuses de cet homicide. Corinne a été frappée à au moins deux reprises , au visage et à l’arrière du crâne avec la bouteille – des coupures et des éclats de verre ont été décelés dans son cuir-chevelu – avant d’être étranglée à mort. Ce n’est seulement dans un second temps que l’auteur a dénudée la victime, sans attouchement sexuel, puis l’a placée dans la baignoire. Emportant au passage son portefeuille…

Un nombre important d’auditions et le relevé d’empreintes papillaires sur la scène de crime n’ont pourtant jamais orienté l’enquête vers une piste tangible. Les soupçons se sont aussitôt portés sur des vagabonds qui squattaient à deux pas du logement de Corinne. Dans les jours qui suivirent, deux clochards – dont l’un avait déjà été condamné pour une affaire criminelle dix ans auparavant – ont été interpellés, puis interrogés par la police. Rien ne semblait finalement les mettre en cause.

La mystérieuse affaire a fait l’objet de quatre ouvertures d’informations judiciaires, en 1992, en 2001, en 2007 et donc en 2017. Sans aboutir à une éventuelle mise en examen.

W.G.

Willy GRAFF