24/10/2017 – 16h30 Nantes (Breizh-Info.com) – Mêmes causes, mêmes effets. En août, après l’agression d’une contrôleuse vendredi 11 août puis d’un chauffeur le lendemain, les agents de la TAN excédés par l’insécurité avaient fait valoir leur droit de retrait et fait une journée blanche sans aucun service le 14 août. Ils avaient demandé des actions concrètes contre l’insécurité et obtenu des engagements de la part des élus. Cependant, samedi 21, cinq contrôleurs ont été agressés. Une nouvelle journée blanche sans bus ni tramways est organisée ce mardi. Les contrôleurs ont fait leur journée blanche la veille. Pendant ce temps, l’un des agresseurs, d’origine nord-africaine se fait passer pour la victime d’une agression de la part d’agents de la TAN sur les réseaux sociaux.
Le matin vers 10 heures, à Commerce, un contrôleur a été agoni de coups de pieds et ses lunettes ont été cassées au niveau de l’arrêt du Chronobus C3 ; un jeune homme a été arrêté pour ces violences volontaires aggravées. L’après-midi entre 14h45 et 15h, deux hommes âgés de 22 et 31 ans accompagnés d’un enfant de quatre ans ont forcé le passage au niveau de l’arrêt Duchesse-Anne pour se soustraire à l’amende après un contrôle dans le Busway.
Au moins l’un d’eux était d’origine nord-africaine et se serait rendu sur les lieux volontairement pour provoquer une bagarre, selon les syndicats de la TAN – il suivait en effet les groupes sur les réseaux sociaux qui indiquent où sont les contrôleurs, en temps quasi-réel. Ils ont blessé quatre contrôleurs dont un grièvement (six points de suture) à coups de poing et de pied, un autre a été victime de propos racistes, un troisième mordu (!) et blessé à l’épaule, un dernier piétiné. La police a interpellé les deux agresseurs, contrôlés peu avant, et les a placés en garde à vue ; ils ont été remis en liberté depuis le temps de l’enquête. Deux bus ont été vandalisés au passage.
Ce ne sont pas les syndicats qui ont eu l’idée de l’action, comme mi-août, mais les salariés excédés. Cependant cette fois, élus et décideurs ne sont pas en vacances, et la série d’agressions a fait trop de bruit pour qu’elle soit ignorée. Environ 150 agents sont allés manifester devant la préfecture à partir de 11h, après avoir bloqué les bus dans les dépôts ce matin à partir de 3h50, et une délégation y a été reçue ce midi. Julien Bainvel et Laurence Garnier, élus de l’opposition de droite au conseil municipal de Nantes et à Nantes Métropole, étaient présents dans la manifestation.
L’absentéisme explose : spirale infernale à la TAN
Le ras-le-bol est d’autant plus important que nombre d’agents de la TAN votent avec les pieds contre les agressions et la « rationalisation des kilomètres, des effectifs et des temps de parcours. L’élastique, tendu au maximum, a fini par nous lâcher », dénonce la CFDT, qui affirme que la TAN connaît une « spirale infernale » avec près de « 11% d’absentéisme, du jamais vu à la SEMITAN ». Le CE de septembre 2017 pointe que « le taux d’absentéisme est élevé et s’établit à + de 10%. L’entreprise va jusqu’à demander à des agents de maitrise volontaires de venir remplacer les conducteurs absents », la CFDT indique aussi que les départs volontaires hors retraite ont augmenté sensiblement.
Septembre et octobre ont été émaillés d’agressions contre les agents : « les bousculades sont régulières, je ne parle même pas des insultes », constate Didier Sauvêtre, délégué CFDT. Pour ce qui est de la sécurité, Nantes aura pourtant obtenu à la rentrée 60 CRS présents quatre jours par semaine, mais les effectifs de la BSTC (brigade de sécurité des transports en commun) sont toujours de 11 personnes et elle est souvent engagée ailleurs.
Le CHSCT d’octobre 2017 indique aussi que deux caméras seront installées à la station Commerce et une autre sur la vitrine de la nouvelle salle des conducteurs. Du côté de la police municipale, où 25 agents seront embauchés en plus, un référent SEMITAN a été installé. Il y a aussi maintenant un interlocuteur du parquet chargé des dossiers de la TAN, pour pouvoir informer les agents et leur direction des suites judiciaires aux plaintes déposées systématiquement pour agressions. Les choses bougent lentement, trop lentement peut-être.
La droite et le FN reprennent les revendications des syndicats de la TAN
L’opposition municipale, relativement discrète sur le sujet – comme sur beaucoup d’autres – a d’ailleurs réagi par un communiqué de Laurence Garnier et Julien Bainvel où elle demande « des caméras en état de fonctionnement dans les transports; la généralisation des vitres anti-agression sur l’ensemble du réseau; des moyens policiers supplémentaires sur l’agglomération; une présence policière continue sur les principaux points de tension du réseau que sont les pôles Commerce, Bouffay et Médiathèque; le renforcement de la brigade de sécurité dans les transports en commun ».
Le FN a aussi réagi : « Le Front national (FN) de la Loire-Atlantique apporte son soutien à l’ensemble des agents de la TAN, et demande à Johanna Rolland de prendre enfin ses responsabilités en déployant la police municipale dans les transports lors des contrôles ». Il s’agit des principales revendications portées depuis des mois par les syndicats – on constate au passage que la zone d’insécurité autour de Commerce s’étire maintenant de Bouffay à Médiathèque, voire jusqu’à Duchesse Anne à l’est.
Pascal Bolo (PS) sur une autre planète ?
Pascal Bolo, élu en charge des transports, s’est dit « solidaire » des contrôleurs agressés mais « pas d’accord » avec les journées blanches décidées le 14 août et ce mardi par les salariés de la TAN. Cependant ceux-ci ne font qu’exercer leur droit : lorsque leur sécurité n’est pas assurée, ils peuvent exercer leur droit de retrait. L’obligation d’assurer la sécurité au travail est l’un des premiers devoirs de l’employeur, et cela ne se limite pas à l’amiante ou aux matériaux polluants.
Il a annoncé aussi que les contrôles renforcés ne se feront qu’en présence de la police nationale – « vu les disponibilités de la police, ça veut dire plus de contrôles renforcés du tout », rit jaune un policier nantais, pour qui « Bolo est sur une autre planète ou a atteint son seuil d’incompétence ».
Jusque là, l’apparatchik socialiste avait déjà été très laxiste lorsque l’insécurité se développait à la TAN et même dans son quartier – sauf quand elle le dérange personnellement. L’une des zones de non-droit de la TAN se trouve pile sous ses fenêtres au Chêne des Anglais, et les contrôleurs ont reçu des consignes, pour raisons politiques, de ne pas y faire de contrôles. Les bus font aussi le tour quand les dealers estiment qu’ils dérangent par trop leur business. Bref, on sait qui commande. Sûrement pas Bolo ni même l’état de droit.
Agression de 4 contrôleurs à Duchesse Anne : un des auteurs, maghrébin, se victimise
Les agents de la TAN ont repéré le post de l’un des deux agresseurs des quatre contrôleurs à Duchesse Anne. Celui-ci, maghrébin d’origine, accompagné par son fils qu’il mettait en avant lors de la bagarre, prétend avoir été agressé par les agents de la TAN. « Je recherche des témoins qui se porteraient volontaires pour témoigner en ma faveur suite à mon agression par des agents contrôleurs de la TAN (…) Pour un simple contrôle j’ai été victime de violences injustifiées (étranglement, plaquage au sol, griffures) de la part de ces agents ». L’agresseur affirme avoir eu peur pour son fils : « C’est en me débattant que je les aurais blessé car il me refusait d’aller chercher mon fils qui se dirigeait vers la route car il pensait Que je marchait derrière lui et je l’ai perdu de vue c’est pour ça que j’ai pris peur et les contrôleurs mon retenue de force ».
Pour l’agent de la TAN qui partage son post, « Demain vous n’aurez pas de transport grâce à ce monsieur et ses potes, ils savaient que les contrôleurs étaient sur duchesse anne et ont fait exprès de prendre le busway pour provoquer une bagarre ». Cependant, des témoins contredisent aussi la version de l’agresseur sur le post, ainsi Laïna Kdm Firdaws : « Votre fils était avec les autres contrôleurs il n était pas du tout vers la route. La personne qui étai avec vous a très bien vu Qu il n était pas seul. Au contraire il frappait lui aussi les contrôleur. Mais bon la vérité sera rétablie grace au vidéo ». Et vu le ras-le-bol général des agents de la TAN et des nantais, pas sûr que les juges apprécient que l’agresseur se fasse passer pour la victime.
A noter qu’en 2014 déjà, Génération Identitaire avait entrepris une action symbolique pour sécuriser le tramway de Nantes. A cette époque, les agents de la TAN avaient dénoncé publiquement l’action : « Nous n’avons pas besoin de milice à bord des trams, gronde un conducteur de la SEMITAN. Les risques de dérapage lors de ce genre d’actions, qui n’a aucun cadre légale, est fort. On connaît les difficultés de la prévention et de la médiation. Ce n’est pas à un système de protection citoyen d’agir mais au politique. »
Force est de constater que les militants identitaires avaient raison avant tout le monde …
Louis-Benoît Greffe
Crédit photo : breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine