La formation rare, coup sur coup, dans l’Atlantique de cinq ouragans de grande puissance qui sèment la mort et la dévastation, intensifie le débat scientifique sur la force et la fréquence de ces phénomènes météorologiques extrêmes. Harvey, Irma, Jose, Katia et Maria sont-ils exceptionnels ? Et cette série de phénomènes violents peut-elle être expliquée par le réchauffement climatique ?
« Nous avons actuellement trois ouragans dans l’Atlantique avec des vents de plus de 144 km/h, ce qui est seulement la quatrième fois que cela se produit dans les annales », relevait Phil Klotzbach, un scientifique du département des sciences atmosphériques de l’Université d’État du Colorado, alors que Irma, Jose et Katia sévissaient sur les Caraïbes, le Mexique et les États-Unis, voici un peu plus d’une semaine. Un peu plus tôt, Harvey avait montré sa puissance au sud des États-Unis. Et ce lundi, l’ouragan Maria approche des Antilles françaises en se renforçant.
La puissance des ouragans est mesurée par l’échelle de Saffir-Simpson, qui va de la catégorie 1 à la catégorie 5 pour des ouragans particulièrement destructeurs.
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Maria, ouragan de catégorie 2 (vents de 180 km/h) en phase d’intensification (il devrait atteindre la catégorie 3, soit 210 km/h, à l’approche des Antilles françaises), se dirige ce lundi vers la Martinique, la Dominique et la Guadeloupe. Il pourrait passer en catégorie 4 (vents jusqu’à 250 km/h) aux abords de Porto Rico et jusqu’à Cuba. Notez par ailleurs que ce lundi dans le Pacifique, à peu près aux mêmes latitudes, non loin des côtes mexicaines, déboulent un ouragan (Otis) et une tempête tropicale (Norma). Et que la dépression tropicale Lee est toujours active au cœur de l’Atlantique !
Irma, une gigantesque dépression qui faisait la taille du Texas, a frappé le nord de l’arc antillais – notamment Saint-Martin, Saint-Barth et Barbuda -, la République Dominicaine, Haïti, Cuba et la Floride voici une dizaine de jours. Elle a oscillé entre les catégories 4 et 5 avec des vents soutenus de 240 à 295 km/h.
Jose, qui a progressé dans son sillage, mais un peu plus au nord, a atteint la catégorie 4, selon les données du NHC (National Hurricane Center). Toujours en catégorie 1, il balance encore des rafales à 180 km/h en Atlantique, non loin des côtes américaines.
Katia, longtemps classé comme un un ouragan, a finalement été rétrogradée en tempête tropicale au-dessus du Mexique.
Et voici trois semaines, le puissant ouragan Harvey a littéralement noyé le sud-est du Texas, le Missouri et la Louisiane.
Cette série noire, en nombre et un intensité, est-elle exceptionnelle ? S’agit-il de quelques chose de nouveau ?
Cycle actif depuis 1995
Pour Gabriel Vecchi, professeur de géophysique à l’Université de Princeton (New Jersey), cette intense activité cyclonique s’explique probablement par le fait que « nous sommes depuis 1995 dans un cycle actif dans l’Atlantique », même si toutes ces années n’ont pas connu de forte activité.
Ainsi la période de 2013 à 2016 a été très calme, ce qui s’explique en partie par la présence du courant équatorial du Pacifique El Nino.
Ce courant périodique chaud produit un phénomène de cisaillement des vents qui désamorce la formation des ouragans.
Les décennies 1960, 1970 et 1980 avaient été marquées par une activité relativement faible des ouragans durant la saison avant un changement à partir du milieu des années 1990, explique le professeur Vecchi.
Mais relève-t-il, il y a un débat parmi les scientifiques sur les origines de ce changement attribué souvent à une réduction de la pollution de l’atmosphère au-dessus de l’Atlantique.
Après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu un développement industriel important aux États-Unis et en Europe provoquant une forte pollution avec de plus en plus d’aérosols sulfatés qui bloquaient les rayons du soleil.
Cela a refroidi l’océan et rendu les conditions moins propices à la formation des ouragans alimentés par la chaleur et l’humidité.
Alternance naturelle
Avec la mise en place de mesures de contrôle de cette pollution comme le « Clean Air Act »aux États-Unis, la pollution a diminué à partir des années 1970 ce qui a permis au soleil de réchauffer davantage les eaux de l’Atlantique.
Le réchauffement climatique résultant de l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines depuis les dernières décennies y a aussi contribué, souligne le professeur Vecchi.
Mais ajoute-t-il, d’autres scientifiques pensent qu’il y a une alternance naturelle de cycles actifs et calmes des saisons d’ouragans en fonction de la variation des températures dans l’océan Atlantique résultant du courant appelé « l’oscillation atlantique multidécennale » qui s’étend sur plusieurs décennies.
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« Actuellement, le grand débat dans la communauté scientifique porte sur le fait de savoir si ce réchauffement est dû à ce courant marin ou à la réduction de la pollution atmosphérique », résume le professeur Vecchi.
« Je pense qu’il y a des indications suggérant que ces deux facteurs ont contribué au refroidissement car ils pourraient ne pas être séparés », estime-t-il.
Pour le climatologue Michael Mann de l’Université d’État de Pennsylvanie, la forte hausse des températures des eaux océaniques ces dernières années est la signature du réchauffement climatique qui contribue à l’intensité de ces tempêtes.
« Ces dernières années, alors que les températures à la surface des océans ont atteint des niveaux record, nous avons vu les ouragans les plus intenses mesurés par la vitesse des vents dans les hémisphères sud et nord, dans le Pacifique et maintenant dans l’Atlantique avec Irma », a-t-il expliqué.
Ajoutons qu’il n’est pas impossible, à la fin de cette semaine – nous y reviendrons -, que l’ouragan Maria rattrape Jose en Atlantique, et que tous deux tournent l’un autour de l’autre, ou bien fusionnent carrément – ce qu’on appelle l’effet « Fujiwara ». Ce qui ajouterait encore une dimension à une saison 2017 qui, faut-il le rappeler, n’est pas finie.
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Jose, l’ouragan qui ne veut pas mourir
Il est toujours là, en Atlantique, à tourner et virevolter non loin des côtes américaines. Il se déplace maintenant à 15 km/h vers le nord, toujours classé en ouragan de catégorie 1 (vents établis à 150 km/h, rafales à 185 km/h).
Il ne menace pour le moment aucune terre. Seule une forte houle affecte davantage la côte Est des États-Unis et des Bahamas. Quoi qu’il en soit, sa longévité et sa position statique sont inhabituelles.