Police de sécurité du quotidien : un désengagement annoncé de l’État
Philippe Franceschi
Consultant en sécurité
Un certain nombre de maires dont le dernier en date celui d’Échirolles, dans la banlieue de Genoble, réclament comme un saint Graal, la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien (PSQ) dans leur commune. Annoncée comme une mesure phare du candidat Macron contre l’insécurité galopante régnant dans les quartiers sensibles de non droit, la PSQ initiée en février 2018 n’en finit pas d’accoucher… Dans sa réponse écrite en date du 26 juillet 2018 à un sénateur qui l’avait interrogé sur le sujet, notre dynamique (!) ministre de l’Intérieur n’éclaire pas vraiment notre lanterne sur ce qu’apportera de plus ce concept par rapport à ce qui existe déjà et on ressent comme un air de désengagement de l’État de cette mission régalienne qu’est la sécurité.
En effet, les polices municipales y sont placées au cœur du dispositif. « Le partenariat avec les polices municipales est un des éléments centraux de la doctrine de la PSQ » lit-on. Leur montée en puissance est réaffirmée clairement. Ces nécessaires évolutions s’inscrivent plus largement dans le rôle accru que les communes doivent avoir dans les politiques locales de sécurité. Elles doivent être « étroitement associées tant à l’élaboration des stratégies locales de sécurité qu’à leur mise en oeuvre », tout « en développant les échanges d’informations et les dispositifs opérationnels communs ». Dans la stratégie et la doctrine, rien de bien neuf en matière de coordination par rapport à ce qui se fait déjà avec les contrats locaux de sécurité (CLS) qui existent depuis 1997 !
Ce qui est inquiétant c’est la réaffirmation que « pour être efficace et adaptée, la sécurité doit de plus en plus être assurée en coproduction entre l’État et les acteurs locaux ». La réponse du ministre rappelle qu’une mission sur l’évolution du continuum de sécurité doit rendre prochainement son rapport. Or, ce « continuum » concerne aussi les sociétés de sécurité privées qui pourraient se voir confier des missions de surveillance de lieux sensibles ou encore les transfèrement de détenus, mais aussi de surveillance sur la voie publique puisque la loi sur la sécurité intérieure (LOPPSI) de 2011 permet aux communes d’engager des sociétés privées de sécurité dans le cadre de la surveillance de l’espace public. De là à penser que l’État cherchera à donner du corps à ce dispositif afin de se décharger un peu plus de la PSQ sur les communes et les sociétés de sécurité privées, il n’y a qu’un pas. Gare aux communes qui n’en auront pas les moyens ! Par un lapsus révélateur lors d’une intervention à l’Assemblée nationale en janvier 2018, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, n’a-t-elle pas employé à deux reprises l’appellation de « police privée » en lieu et place de sécurité privée. Emmanuel Macron nous a habitués à sa vision purement financière de toute chose, y compris de la sécurité.
Ce que n’évoque pas la réponse écrite de Gérard Collomb, ce sont les véritables fondements d’une sécurité de « proximité ». La proximité c’est la reconquête et la présence sur le terrain. Or, cette réforme « ne consistera pas à remettre en place des postes de police dans les quartiers » indiquait Emmanuel Macron lors du lancement de la PSQ, tout en se contredisant en affirmant que « l’insécurité ne sera bien combattue que si les forces de sécurité sont bien intégrées à la population ». Ce ne sera pas le cas des policiers qui ne viendront qu’y travailler. La proximité c’est aussi la disponibilité et la motivation policière. Comment transformer en motivation extrême la démotivation actuelle liée à plus de trente ans de laisser-aller dont les policiers ne sont pas les seuls responsables, loin de là ? La proximité suppose enfin des relations sereines et confiantes entre policiers et magistrats, or, elles restent souvent tendues.