Policier, je teste les caméras-piéton : c’est une protection supplémentaire indéniable
Par Jean-Marc Jofre
Policier municipal
LE PLUS. Parmi les mesures que Manuel Valls a annoncées lors de sa visite aux Mureaux, on retient notamment le recours aux fameuses « caméras-piéton » pour les policiers, portées sur la poitrine par les agents. Jean-Marc Jofre, policier à Cogolin et président du syndicat national des policiers municipaux, teste déjà le dispositif.
Édité et parrainé par Anaïs Chabalier
Un policier toulousain équipé d’une caméra-piéton, le 15 mai 2013 (F. SCHEIBER/20 MINUTES/SIPA).
Policier municipal à Cogolin depuis presque un an, je teste depuis environ un mois les caméras-piéton que le gouvernement pourrait bientôt généraliser. Ce dispositif est très utile : grâce à lui, je me sens protégé.
Les caméras calment les contrevenants
Ces caméras, que l’on clipse sur notre ceinturon ou sur notre gilet pare-balles permettent de désamorcer les situations délicates.
Quand on se sent en danger, qu’on anticipe un outrage à agent ou une interpellation musclée, il nous suffit de déclencher manuellement la caméra et d’indiquer au contrevenant qu’il est filmé.
À cet instant, la situation à tendance à s’apaiser. Ils arrivent que certains contrevenants nous posent des questions, nous disent que nous n’avons pas le droit de les filmer ou dissimulent leur visage pour ne pas être identifiés, mais dans la majorité des cas, ils finissent par se calmer.
Démontrer notre professionnalisme
En réalité, ce dispositif permet aux policiers de ne plus se sentir seul. Si les vidéos ne sont pas toujours de bonne qualité, à cause des mouvements des agents, le son est là et permet de prouver les propos outrageants ou la violence verbale.
Et quand un contrevenant porte plainte contre nous, ces caméras peuvent démontrer notre professionnalisme et éliminer les possibles accusations.
Pour cela, les policiers doivent stipuler dans leur rapport qu’ils ont filmé l’intervention. Si celle-ci était délicate, un officier de police judiciaire doit les autoriser à extraire la vidéo. Ce dernier recevra ensuite une copie de la séquence.
Une preuve supplémentaire
Ce dispositif peut également être utile pour les contrevenants. Dans le cas d’une bagarre par exemple, la vidéo peut permettre de déterminer quels individus ont été les plus véhéments. Ce sont des preuves supplémentaires.
La question du délit de faciès se pose aussi. C’est notamment pour éviter cela que le gouvernement souhaite généraliser ce dispositif. Mais quand on sait que les policiers déclenchent eux-mêmes la caméra, on peut se poser autour de l’encadrement de ce dispositif. Néanmoins, je ne remets pas en cause le professionnalisme des agents de police, qui œuvrent au quotidien pour la sécurité des personnes.
Cependant, l’enregistrement ne devrait-il pas être automatique, afin de protéger les contrevenants, mais aussi et surtout les policiers ? En effet, il arrive qu’une intervention banale dégénère et que l’agent n’ait pas le temps de déclencher la caméra.
Il faudrait, pour les policiers municipaux, obliger certaines communes à les faire patrouiller en binôme et non seuls, mais cela reste encore une autre revendication. Si deux agents portent des caméras, il y aura toujours la possibilité d’avoir au moins un enregistrement.
Un dispositif encore flou
Autre problème : les images enregistrées disparaissent au bout d’une quinzaine de jours si les interventions n’ont pas eu de suite. Que se passe-t-il pour le policier si un contrevenant porte plainte au-delà de ce délai ? Nous n’en savons rien.
Il y a donc un gros flou autour de ce dispositif et nous sommes en attente d’un cadre juridique clair. Aucun décret et aucune modification de l’acte réglementaire unique n’a été fait à ce jour par le gouvernement.
Malheureusement, ceux qui font cette réglementation ne sont pas ceux qui testent les caméras. Ils ne se rendent pas forcément compte des questions que se posent les policiers sur le terrain.
Le gouvernement doit donc définir les modalités d’utilisation de ces caméras au plus vite, car ce dispositif est une protection supplémentaire indéniable. Il faudrait que tous les policiers puissent en bénéficier dans les meilleures conditions.
Propos recueillis par Anaïs Chabalier.
source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1441608-policier-je-teste-les-cameras-pieton-c-est-une-protection-supplementaire-indeniable.html