Quand on rapporte les milliers de candidats au baccalauréat qui choisissent une option facultative d’arabe au nombre d’enseignants français formés et qualifiés (en 2018, il n’y aura que trois postes à l’agrégation d’arabe et quatre postes au CAPES !), force est de constater que les élèves concernés apprennent cette langue ailleurs que dans des établissements publics, notamment dans des mosquées ou des centres culturels musulmans. Voilà qui ne facilite guère leur intégration, bien au contraire !
On se souvient de la polémique suscitée, à juste titre, par les ELCO, ces « enseignements de langue et de culture d’origine » que Najat Vallaud-Belkacem défendait bec et ongles à l’école primaire. Prenant appui sur une directive européenne du 25 juillet 1977, ils visaient à apprendre aux enfants des travailleurs migrants leur langue maternelle, en vue d’un retour dans leur pays d’origine. Aujourd’hui, on est bien éloigné de cet objectif.
En 2013, un rapport du Haut Conseil à l’intégration (HCI) soulignait les dérives possibles de ces enseignements, « susceptibles de renforcer les références communautaires », ajoutant que certains cours dispensés dans ce cadre s’apparentaient à des « catéchismes islamiques ». Ce rapport encombrant fut oublié dans les tiroirs ministériels. Or, si l’on admet, comme le définit l’article 2 de la Constitution, que « la langue de la République est le français », il est évident que la maîtrise de la langue française est fondamentale pour la cohésion du pays.
Mais le désintérêt des autorités publiques pour l’enseignement de l’arabe au collège et au lycée pose aussi un problème.
L’arabe est une grande langue internationale, la quatrième langue la plus parlée dans le monde. De plus, nous partageons avec les peuples arabophones un passé historique, notamment autour de la Méditerranée. L’absence d’une politique publique en la matière est une erreur : non seulement parce qu’elle fait fi de données géopolitiques et économiques, mais surtout parce qu’elle renforce la sous-traitance de l’enseignement de l’arabe, ce qui l’enferme dans une logique identitaire et communautaire.
Il y aurait pourtant beaucoup d’avantages à faire enseigner l’arabe par des professeurs de l’enseignement public. Cela mettrait cette langue au même niveau que les autres langues vivantes et réduirait son caractère identitaire. La République a tout intérêt à contrôler cet enseignement, à former ses professeurs, à les recruter en nombre suffisant par des concours exigeants si elle ne veut pas le laisser aux mains de prétendus enseignants qui confondent trop souvent l’apprentissage de l’arabe et l’endoctrinement islamique.
L’arabe deviendrait ainsi une langue importante, au même titre que l’anglais, l’espagnol ou l’allemand. En ne traitant pas l’arabe comme une langue vivante normale, nos dirigeants favorisent l’essor du communautarisme. Ils en font une langue identitaire au lieu d’en faire une langue internationale.
On pourrait faire un constat similaire sur l’enseignement du russe, du portugais ou du chinois, pourtant beaucoup parlés dans le monde. À une différence près, cependant, et de taille : ces langues ne sont pas devenues l’expression du communautarisme. Mais l’influence anglo-saxonne est telle que nos dirigeants estiment qu’en dehors de l’anglais, il n’y a point de salut.
Paradoxalement, la pénurie de professeurs d’arabe fait le lit du communautarisme.