La chanteuse Mennel Ibtissem vient d’annoncer qu’elle quittait « The Voice », après la polémique déclenchée sur les réseaux sociaux par certains de ses tweets postés à l’été 2016 : elle y questionnait l’origine du terrorisme et accusait les membres du gouvernement d’être les « vrais » terroristes. La natiosphère se sent dès lors pousser des ailes, ce n’est pas la première fois que son lobbying fait éjecter un artiste aux propos jugés polémiques : rappelez-vous Black M et Mehdi Meklat…
Le cas de Mennel est néanmoins différent du jeune rappeur qui avait qualifié la France de « pays de kouffar » dans une de ses chansons. La jeune fille de vingt ans n’a aucunement insulté notre pays ou la mémoire des victimes des attentats. Si elle en avait fait l’apologie, ce serait effectivement problématique et tomberait sous le coup de la loi. Mais elle n’a ni soutenu ni même minimisé les attentats, elle en a seulement questionné l’origine. Ce dont on l’accuse, c’est de ne pas avoir été assez Charlie, d’avoir réfléchi quand l’heure était aux larmes. À l’heure où 80 % de Français adhèrent à une théorie du complot, il n’y a aucune raison de jeter la pierre à Mennel, à moins que ce qui dérange ne soit pas ce qu’elle dit mais ce qu’elle est.
Cette affaire aura au moins eu le mérite de nous montrer (s’il en était besoin) que la droite est une gauche comme les autres. On se souvient de la levée de boucliers suite à l’éviction de Maurras du Livre des commémorations par le ministère de la Culture. La gauche avait réclamé à cor et à cri que le fondateur de l’Action française en soit rayé. Aujourd’hui, c’est donc la droite qui recourt aux mêmes méthodes de protestation, de lobbying via les réseaux sociaux et de « bashing » afin de faire virer une jeune fille pour des propos qui ne tombent même pas sous le coup de la loi. La même droite qui, quand il s’agit de Maurras et Rebatet, demande qu’on « sépare l’homme et l’œuvre »…
On mettra également cette affaire en perspective avec une autre. Dans un article au vitriol publié il y a quelques jours, le site Rue89 s’indigne que le diocèse de Lyon ait décerné une récompense littéraire au poète et romancier Romain Guérin dont les journalistes ont méticuleusement rapporté certains propos postés sur les réseaux sociaux ; propos qui, selon eux, peuvent paraître choquants. Évidemment, le camp national a fait bloc, rappelant aux journalistes que ce qui compte, lors d’un prix littéraire, c’est le talent de la personne et non ses idées.
La boucle est bouclée, et c’est reparti pour un tour. Quand un artiste de gauche tient des propos « choquants », la droite réclame sa tête, puis quand c’est un artiste de droite qui est mis face à son passif, c’est au tour de la gauche de se pâmer… Ce double langage est intenable et exige que l’on trouve une certaine cohérence. Soit le talent prime sur les idées et il fallait, dès lors, maintenir la charmante Mennel ainsi que Maurras. Soit ce sont les idées qu’on juge avant le talent et il est, dès lors, légitime de bannir les artistes aussi bien ultra-nationalistes qu’islamistes. Mais ce qui s’applique aux uns doit s’appliquer aux autres.
Pour ma part, j’ai la conscience tranquille : par souci de cohérence, j’ai soutenu Maurras, j’ai soutenu Guérin et je soutiens sans hésiter Mennel. La république des talents ne saurait se confondre avec la tyrannie de la morale.