Prison avec sursis pour délinquance banale à Ajaccio
Par Isabelle LUCCIONI
Audience de comparution immédiate hier au tribunal de grande instance d’Ajaccio. L’audience de la délinquance du quotidien. Et souvent des gens très peu habitués aux prétoires.
Dans le box vitré, un homme de 59 ans à qui une toison et une barbe de neige donnent un faux air de Père Noël. Sauf que derrière l’apparence d’inoffensif grand-père, il y a un récidiviste de la conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Sans permis de surcroît, puisque le document a été confisqué depuis belle lurette.
Le prévenu est portugais. Son avocate Me Johana Giovanni demande un interprète. « Il vit en Corse depuis 15 ans et n’a pas eu besoin d’interprète en garde à vue », lui rappelle la présidente Marie-Josèphe Muracciole.
En fait, c’est le tribunal qui aurait sans doute eu besoin d’une traduction.
Le prévenu comprend presque toutes les questions. Mais son regard indique à quel point les termes de la justice le désarçonnent. « Vous conduisiez sous l’empire d’un état alcoolique ? » Pas de réaction. « Vous aviez bu de l’alcool ? », reprend la présidente.
« Non, non ! Seulement trois ou quatre pastis », répond l’homme dans le box.
Ce sera l’une de ses rares réponses audibles. On croit comprendre qu’il est « obligé de conduire » pour transporter ses outils de travail.
Au banc du ministère public, le substitut Sylvain Darchy demande l’application de la loi. L’homme est récidiviste. Il ne s’est jamais présenté à la justice. Il a même fallu émettre un mandat d’arrêt pour sa précédente condamnation.
En défense, Me Giovanni ne cherche même pas à nier les évidences. Mais la prison ferme la fait bondir.
« Il n’a pas conscience qu’il est malade. L’alcoolisme est une maladie. Mais il commence à comprendre. Il a effectué une garde à vue, un jour de prison. Si vous le maintenez en détention, il perd son travail. Et quand il ressortira dans quelques mois, il lui restera la boisson… » Le tribunal l’a suivie. 12 mois dont trois ferme. Pas de maintien en détention mais un sursis mise à l’épreuve avec une obligation de soins.
Arme incidente
Quelques minutes plus tôt, c’est un quadragénaire qui faisait face à ses juges.
Casier judiciaire vierge, vie rangée (une femme, un enfant, le même travail depuis deux décennies), l’homme arbore des traits creusés par le manque de sommeil et une barbe qui a poussé dru pendant la garde à vue. Lui non plus ne nie rien, mais il s’exprime timidement, visiblement impressionné par la cage vitrée où il se tient.
Lorsque les gendarmes sont arrivés à son domicile, il y a 48 heures, à 6 heures du matin, il était au travail. Dans l’affaire initiale, il est remis en liberté. Mais en perquisition, les militaires ont trouvé un pistolet de calibre 7,65 et des munitions. « Je l’avais achetée à mon beau-père qui était armurier, je l’ai gardée. En fait, elle était là parce qu’il y avait eu des cambriolages près de chez moi », dit le prévenu.
Le procureur Sylvain Darchy revient sur le nombre d’armes par habitant en Corse. Sur le nombre d’homicides aussi. Il demande une peine avec sursis cependant, au vu de l’absence d’antécédents. Me Vinier-Orsetti insiste, pour sa part, sur la stabilité de l’homme qu’il défend. « Son métier, depuis 19 ans, c’est de sauver des vies. Le sursis existe pour des personnes comme lui. »
Son client ressortira libre, mais avec une épée de Damoclès de 6 mois au-dessus de la tête. Quant à l’arme, il ne la reverra plus.