Les avocats des parties civiles ont interrogé aujourd’hui Jawad Bendaoud, le logeur des terroristes du 13 novembre 2015 et son complice Mohamed Soumah, jugés à Paris pour recels de malfaiteurs terroristes. Sans vraiment obtenir de réponses, et dans une ambiance toujours tendue.
Déjà longuement interrogés jeudi par la présidente Isabelle Prévost-Desprez, les deux prévenus, jugés pour « recel de malfaiteurs terroristes » ont martelé qu’ils ne savaient rien d’Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats de Paris et de son complice Chakib Akrouh. C’est à ces derniers qu’ils avaient fourni un squat à Saint-Denis le 17 novembre. Un appartement pris d’assaut le lendemain matin par le Raid, et durant lequel les deux djihadistes ont péri, de même qu’Hasna Aït Boulahcen, la cousine d’Abaaoud qui avait cherché le logement.
Les deux prévenus, Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, se présentent, eux, comme « des délinquants, pas des terroristes ». Ils l’ont répété ce vendredi aux avocats des parties civiles qui les ont interrogés, mais sans vraiment obtenir de réponses.
Les différentes versions sur la demande de logement
Les questions ont d’abord ciblé la différence des versions données par Mohamed Soumah et Jawad Bendaoud sur la façon dont a été discutée la location du squat de Saint-Denis. Le premier dit qu’Hasna Aït Boulahcen a demandé l’hébergement pour elle-même et pour une période de trois semaines. Jawad Bendaoud explique, lui, que la jeune femme lui a demandé un appartement deux ou trois jours pour son frère, qui a des problèmes avec sa femme, et un cousin.
« Vous avez pourtant pu en parler tous ensemble le 16 novembre quand vous, M. Soumah, venez voir Jawad Bendaoud dans le squat avec Hasna Aït Boulahcen. Alors, qui ment ? » interroge une avocate. « Je vais pas accuser mon collègue de mentir […] Mais si je ne mens pas, c’est lui », répond Mohamed Soumah.
Jawad Bendaoud s’emporte et menace un avocat
Interrogé par Me Georges Holleaux sur la façon dont il s’occupe de ses enfants, Jawad Bendaoud commence par répondre qu’il leur « achète des vêtements, des gâteaux, etc. »Mais devant l’insistance de l’avocat, qui cherche à savoir s’il a eu des activités avec eux le week-end après les attentats, Jawad Bendaoud s’emporte : « Vous êtes un voleur de mobylette ! Vous essayez de faire quoi, là ? Parce que je vais venir vous voir à votre cabinet, moi, on va parler d’homme à homme ! », lance le prévenu, qui avait expliqué la veille avoir passé son temps dans le squat à se droguer, après qu’une maîtresse lui avait annoncé qu’elle était enceinte de lui.
Les avocats des parties civiles et de la Défense s’énervent à leur tour. Agacée, la présidente, ordonne aussitôt une suspension d’audience, qui durera plus d’une heure.
« Je me réserve le droit au silence »
À la reprise, Jawad Bendaoud, s’excuse pour « l’altercation ». Ce « n’est pas facile, ça fait 14 mois que je ne suis pas sorti de ma cellule, et je ne veux pas parler avec des gens qui m’insultent à la télé. Je me réserve le droit au silence », lâche-t-il, en pointant différents avocats.
Il tient aussi à s’excuser auprès de la présidente pour avoir dit la veille, jeudi : « Vous ne m’impressionnez pas ». C’était pas un manque de respect. » Sourire de la présidente : « Donc je vous impressionne ? ». « Non, répond-il, il n’y a rien entre nous madame. » « M. Bendaoud, je vous le confirme, il n’y a rien entre nous », conclut Isabelle Prévost-Desprez.
« Vous ne vous posez pas de questions ? »
Un peu plus tard, Me Didier Seban, demande à Mohamed Soumah : « Si vous aviez su que les deux locataires du squat étaient des terroristes, vous seriez allé en parler à la police ? »Réponse du prévenu : « Dans un premier temps, j’aurais mis une grosse baffe à Hasna… » L’avocat demande ensuite à Jawad Bendaoud s’il ne se pose pas de questions sur les gens qu’il héberge. « Non, on me parle d’un mec en galère, je ne demande pas ce qu’il va faire ce soir ou demain. » Il reconnaît d’ailleurs avoir déjà loué son squat à des mafieux d’Europe de l’Est, sans se demander ce qu’ils faisaient vraiment.
« Je suis fini »
Une nouvelle fois, Jawad Bendaoud s’énerve en évoquant le fait qu’on ne le croit pas et s’inquiète pour l’avenir. « Peu importe ce que je dis, que je mente ou pas, je suis fini. Je ferai quoi dehors ? Qui va m’embaucher, parler avec moi ? Personne… J’avais un projet de faire un nouveau point de vente de cocaïne, mais qui va vouloir s’associer avec moi maintenant ? »
Des réponses toujours décousues
À l’inverse du calme de Mohamed Soumah, Jawad Bendaoud s’est encore montré surexcité, apostrophant la présidente, interrompant les avocats, refusant de parler à ceux qui dit-il « le lynchent » dans les médias, fait des réponses souvent décousues. Ses avocats, Xavier Nogueras et Marie-Pompéi Cullin, ont tenté de le calmer plusieurs fois, mais rarement avec succès.
#Jawad promet à la présidente qu’il ne va pas s’évader : « Je suis juste énervé à cause de l’enfermement mais moi c’est zero valium Madame. C’est 100 % Marlboro ». Mohamed Soumah demande si il peut aller faire pipi. Supension d’audience, @franceinfo
La réalisatrice de cinéma Maïwenn est dans la salle d’audience du procès #Jawad Il faut avouer que la réalité dépasse parfois la fiction dans ce dossier @franceinfo
Sur le fond, il a répété qu’il ne savait pas qu’il logeait des jihadistes : « Il y a des signes que j’ai mal interprétés ». Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats ? Jawad Bendaoud « le trouve louche mais pas terroriste ».
Le procès doit se poursuivre jusqu’au 14 février. Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, délinquants multirécidivistes, encourent six ans de prison.
