Procès de Jacques Rançon : «Il m’a ouverte en deux et j’ai vu la satisfaction dans ses yeux»
Encore une journée d’audience très éprouvante hier, au procès de Jacques Rançon devant la cour d’assises de Perpignan. Sabrina, qui a miraculeusement survécu a raconté son agression sauvage, un soir de mars, il y a 20 ans.
Hurlements déchirants. Agrippée à la barre, à se débattre dans son pire cauchemar, elle crève le cœur de cette plainte éternelle et tragique. On croirait la voir au soir du 9 mars 1998 sous ce porche de l’avenue de Belfort à Perpignan. On croirait l’entendre se briser les cordes vocales lorsque Jacques Rançon a ouvert son corps au couteau pour y laisser à jamais sa signature sanglante et balafrer sa vie d’une cicatrice de 32 centimètres.
«Rançon je vais te tuer». Sabrina prononce ses derniers mots. Et son corps lâche. D’abord agité de rires nerveux qui chavirent, en une seconde, en un vacarme bouleversant de tremblements. L’émotion résonnera longtemps encore dans la salle après qu’elle a été évacuée, soutenue par les secouristes. Point final. Logique point de rupture après 20 ans d’attente, 15 jours de procès en enfer et plus d’une heure d’un témoignage époustouflant de dignité et de courage. Voilà sept jours qu’on l’attendait. Elle. Et ce moment de grâce au milieu de l’horreur.
«Le mal incarné»
Pris dans le box Jacques Rançon ne peut pas lui échapper. Plus se dérober à sa vérité. Elle se dresse devant lui. Tel le fantôme de ses crimes barbares venu hanter son esprit sans remords. La réalité, de chair et d’os. Vivante. Survivante de sa rage et de sa fureur.
Ce soir-là, Sabrina attend son petit ami au pied de son appartement. Jacques Rançon, vient de fêter ses 38 ans au champagne avec des collègues de boulot de Saint-Charles, passe devant elle au volant de sa voiture et rentre chez lui. À 150 mètres de là…. Il se gare et revient à pied pour l’aborder. Elle lui dit «Bonsoir». «Normal», «sûr de lui», il «engage la conversation». «Il sentait fortement l’alcool. Il me disait que j’étais jolie, que j’avais un joli sourire, je lui ai répondu : «merci». Je le trouvais insistant. Il me demande où j’habite. Je dis : «là» et il me dit : «moi aussi, au dernier étage». «Bizarre, je ne vous ai jamais vu». Il commence à me dire qu’il fête son anniversaire et me demande de l’accompagner chez lui. Parce que sa femme va croire qu’il est saoul et ils vont se disputer», raconte-t-elle en cascade. Jacques Rançon simule une chute. Elle le prend par le bras, l’aide à marcher jusqu’au pied de la cage d’escalier. Il essaye par deux fois de la saisir par la taille. Elle se rebiffe et lui demande où est sa sonnette. Il commence à hésiter…
«J’ai anticipé que cette personne était mauvaise. Il est le mal incarné. Mon cœur a frissonné à sa façon de me parler et de me regarder, c’est comme s’il me faisait l’amour. Il avait un regard noir, il me parlait avec un sourire sadique et ses dents toutes pourries, avec sa respiration, comme un asthmatique», dit-elle, mimant un graillement presque animal. «Mon corps était tétanisé. J’ai senti qu’il allait me faire du mal. Je me disais : «Sabrina, dévisage-le, n’oublie pas ce visage». Je l’ai prévenu : «Ne me touchez pas. Ne bougez pas». Et au moment où je tourne la tête, il avait déjà son couteau. Il m’a porté un premier coup sous la poitrine. Je ne l’ai pas senti mais j’ai entendu la perforation. En fait, il a trouvé une satisfaction à me pénétrer avec son couteau».
Sonia court, crie, hurle «le plus fort possible pour que quelqu’un entende». Son corps la lâche.
«Comme on éventre un cochon»
«J’ai prié le Bon dieu que ma tête dépasse et que quelqu’un puisse me voir. Il m’a enjambée, il m’a mis la main sur la bouche et il m’a ouverte en deux, comme on éventre un cochon pour sortir ses tripes, montre-t-elle en un geste, reprenant ce râle haletant. Il me disait : «Je vais te tuer». On aurait cru un film d’horreur. Et là, j’ai vu la satisfaction dans ses yeux. C’est un gros sadique. J’ai pris la lame dans ma main pour la bloquer. Il voulait me couper le cou. Il savait ce qu’il faisait… Et je me voyais mourir. Je commençais à partir.»
Sabrina en réchappe miraculeusement grâce à l’intervention de voisins. «Je me suis battue. Ce soir-là, je parlais à ma mère, je lui disais : «Ne t’inquiète pas, je suis bien, je pars. Je pars. Je me suis toujours promis de ne pas oublier ce visage, quitte à me forcer en rêver. J’ai la haine, j’ai envie de le tuer. Je ne lui pardonnerai jamais de la vie. Et, il ne m’a pas eu». Et Sabrinaa de tourner la tête en direction de Jacques Rançon : «Je souhaite à cet homme tout le mal. J’espère que vous allez souffrir. Si c’était moi, je vous ferais souffrir jusqu’à ce que vous me suppliiez d’arrêter. Vous allez crever en prison».
Dans ses mots, on lit la terreur. Dans sa voix, on entend les cris étranglés de toutes celles qui n’ont pas survécu. Et dans ses yeux couleur soleil, on voit l’ombre fière de Mokhtaria et de Marie-Hélène.
Le frère de Mokhtaria hurle sa haine
Alors que Sabrina titube, prise de rires nerveux qui se transforment en hurlements de douleur, Mohamed Chaïb crie soudain sa haine à Rançon, le tortionnaire de sa sœur Mokhtaria. Il agonie d’injures l’accusé des insultes mêlées de menaces « Souviens-toi de moi, souviens-toi de moi», rugit le jeune homme en lançant à l’accusé un regard féroce. Plein de colère et de répugnance.
Le président Cayrol suspend l’audience, le temps de calmer les esprits. À la reprise des débats, à 14 heures, Régis Cayrol, le prévient : «Monsieur Chaïb, je ne veux pas vous priver de la fin du procès, mais n’oubliez pas qu’il y a un accord entre nous. Vous resterez calme».
La veille, c’étaiten les frères de Marie-Hélène Gonzalez qui n’avaient pas supporté le récit des meurtres commis par Rançon et s’étaient jetés sur le box.