Procès Merah : l’ex-patron du RAID raconte la fin du tueur au scooter, dans son appartement de Toulouse
Interrogé devant la cour d’assises de Paris, où se tient actuellement le procès du frère de Mohamed Merah, Amaury de Hauteclocque a détaillé l’assaut du RAID le 22 mars 2012.
Trente-deux heures de négociation, quatre policiers blessés et le tir mortel d’un sniper: l’ex-patron des policiers d’élite du RAID, Amaury de Hauteclocque, a raconté, vendredi 6 octobre 2017, les dernières heures de Mohamed Merah devant la cour d’assises de Paris où comparait le frère du tueur au scooter.
Le 21 mars à 3 h du matin, je me mets en action avec mes équipiers à proximité du domicile de Mohamed Merah.
A la barre des témoins, celui qui est aujourd’hui contrôleur général de la police nationale, athlétique, cheveux poivre et sel, entame dans une salle d’audience silencieuse le récit, vu de l’intérieur, du siège de l’appartement de Mohamed Merah à Toulouse, suivi en 2012 par les médias du monde entier.
Merah reconnait les faits et tire sur les policiers
« Nous pensions le surprendre dans son sommeil », dit-il, mais, échappant à la surveillance d’agents de la DCRI (renseignent intérieur) et de la police judiciaire qui surveillaient son domicile, Merah était sorti de chez lui pour revendiquer ses actions auprès de chaînes de TV. Il venait tout juste de rentrer, il était donc réveillé.
« L’appartement de Merah était à l’entresol. Sur sa porte, nous installons un dispositif d’ouverture avec un vérin hydraulique. Mais, à peine la porte est-elle entrouverte, qu’une main armée apparait et tire. Nous opérons un repli tactique et mettons en place un dispositif pour bloquer toute sortie. A cette heure, l’immeuble est encore plein de voisins endormis », raconte le témoin. Il cite les propos de Mohamed Merah, qui reconnait, à travers la porte, être l’auteur des faits :
Vous avez vu ce que j’ai fait aux militaires et aux enfants juifs de l’école.
Amaury de Hauteclocque poursuit : « Plusieurs dizaines de coups de feu sont tirés dans notre direction. Il est 3h15 et le premier de mes hommes est touché au genou ».
Dans son appartement, Mohamed Merah lance : « Je vous attends ». La police tente de récupérer le vérin sur la porte. Un deuxième homme reçoit un projectile sur son casque, un troisième est touché à l’épaule.
Des heures de négociation
Les officiers du RAID avaient pour instructions de prendre Mohamed Merah vivant. A 6 h du matin, ils réquisitionnent un appartement pour un PC opérationnel :
Une négociation s’engage, nous parlons dans un mégaphone, il répond à travers la porte. Notre but, faire baisser la pression, obtenir sa reddition. Nous lui fournissons un talkie-walkie, en échange, il nous donne une arme, un 357 magnum. Il est alors 7 h ».
« Merah a envie de revendiquer ses actes, de faire un testament politique et religieux. On enregistre ses propos », précise Amaury de Hauteclocque.
Derrière la porte, l’auteur des tueries de Toulouse et de Montauban raconte son parcours : « Son séjour en Afghanistan, où il voulait se faire capturer par les talibans pour leur déclarer sa flamme, son voyage au Pakistan où il tombe sur des talibans qui vont lui donner une formation sur mesure. Il leur dit préférer les armes de poing aux explosifs. On lui propose une opération à Islamabad (Pakistan) ou d’attaquer une ambassade à Paris. Il décline, préférant agir dans sa région. Le mieux, lui dit-on, c’est que tu retournes chez toi et tues le maximum de Français », relate le témoin.
D’après lui, « Merah s’exprime correctement, il veut laisser l’image de quelqu’un de respectable, de religieux et de réfléchi. Il justifie les attaques contre les militaires par la présence de la France en Afghanistan et les enfants juifs parce qu’Israël tue des Palestiniens« .
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« La mort, je ne la crains pas »
Pendant que le négociateur parle, le patron du RAID fait évacuer l’immeuble. Une heure limite d’intervention est fixée au 21 mars, à 23 h. A la barre, Amaury de Hauteclocque ajoute :
« La mort, je ne la crains pas, je la souhaite (…) », dit Merah qui coupe son talkie-walkie à 22H45. Toute la nuit, nous lui envoyons des grenades sonores pour le fatiguer. Il tire des coups de feu puis le silence s’installe ».
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Les policiers passent à l’action
Le lendemain, le 22 mars donc, un groupe se met en place devant la porte, vers 10h30, et un autre passe par le balcon à l’aide d’une échelle sous la protection de snipers. Le policier d’élite continue son récit : « Dans l’appartement, Merah est dans 20 cm d’eau. Impossible de faire passer des chiens détecteurs d’explosifs. »
Le premier groupe entre dans l’appartement et tombe sur un amoncellement de mobilier dressé pour ralentir sa progression. « A 11H15, pas de réaction de Merah. Il était dans la salle de bain. Il sort, puis effectue des va-et-vient entre l’équipe de la porte et celle du balcon. Un troisième policier est blessé au cou. Merah se dirige vers la fenêtre du salon et tire au hasard sur les policiers, faisant un quatrième blessé. Voyant qu’il n’y a pas d’autres solutions, un sniper tire, Merah bascule par dessus le balcon« , conclut-il.
Interrogé par des avocats, le super-flic a estimé qu’il n’était pas possible de prendre Merah vivant car « il voulait mourir face à la police ». Il indique également : « Je n’ai pas connu d’opération avec une négociation aussi longue et autant de blessés […]. Elle a servi de référence pour modifier nos procédures. Désormais, on progresse jusqu’à l’objectif ». L’ex-patron du Raid dit aujourd’hui « ne rien regretter ».
Avec AFP