Proximité des polices municipales : un dosage qui fait débat chez les maires
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A rebours des récentes transformations du secteur, certains élus tentent de conserver une police municipale au service des habitants, œuvrant au plus près de leurs besoins. Face aux sollicitations extérieures et aux spécificités locales, la tâche n’a toutefois rien de simple.
Interrogez un élu sur « sa » police municipale, il n’aura bien souvent que le mot « proximité » à la bouche. Un consensus qui peut sembler paradoxal au regard de la « remunicipalisation progressive de la sécurité publique » constatée sur le terrain par Villes de France.
« Tous les élus ne basculent pas avec joie dans l’armement de leurs policiers municipaux en calibre de 9 mm, décrypte Armand Pinoteau, conseiller de l’association d’élus. Certains savent pertinemment que ce durcissement ne va pas améliorer la relation police-populations, ni les aider à être davantage à l’écoute des commerçants ou des associations. »
Un durcissement forcé
Ainsi, Didier Vullierme, adjoint au maire (PS) de Villeurbanne, avait-il invité commissaires et sociologues, au lendemain des attentats de 2015, pour convaincre ses policiers municipaux, qui réclamaient des armes létales, que leur revendication ne se justifiait pas, tant « les attentes des citoyens se résumaient au traitement des incivilités via l’îlotage ».
Avant finalement… de céder, suite aux sollicitations de l’Etat qui lui demandait de « prendre part à la sécurisation de certains événements vis-à-vis des risques terroristes ».
Evolutions « intermédiaires »
Ses homologues de Besançon (PS), Vannes (LR) ou Lille (PS) rechignent toujours à faire évoluer le partage des tâches entre polices et martèlent que, vu leurs missions et leurs faibles prérogatives, des évolutions « intermédiaires » (gilets pare-balles, flashballs, casques, etc.) peuvent être concédées aux policiers municipaux, mais guère plus.
Jérôme Baloge, le maire (UDI) de Niort, confie : « Il est de notre responsabilité morale de gérer la situation terroriste du mieux possible, mais la sécurité recouvre aussi la tranquillité publique. J’ai métamorphosé la PM, mais je ne me sentais pas en position de leur accorder un armement létal. »
A Sceaux, une refonte radicale
Afin de se prémunir d’un « transfert de responsabilités qui ne dirait pas son nom », et sans aller jusqu’à imiter le maire de Saumur, qui a supprimé sa police municipale, Philippe Laurent, premier élu (UDI) de Sceaux, a profondément renouvelé son approche de la sécurité publique. N’en déplaise aux syndicats de la profession qualifiés de « pousse-au-crime », ses policiers – renommés « gardes urbains » – se sont vus retirer leurs uniformes bleus.
Priorité a été donnée à la gestion des encombrants, et à la lutte contre les stationnements dangereux et les petites incivilités, qui « alimentent bien plus qu’on ne le dit le sentiment d’insécurité de nos administrés ». La méthodologie aussi a changé : « Plutôt que de pénaliser les dépôts sauvages, nous facturons leur enlèvement par des contraventions. Des circuits courts de sanction plus rapides et efficaces que la judiciarisation des affaires », assure le maire, par ailleurs secrétaire général de l’AMF.
Le flou règne sur la sécurité quotidienne
De gauche ou de droite, à la tête de métropoles ou de communes rurales, les élus piaffent d’impatience : à quoi ressemblera la « police de sécurité quotidienne » promise par Emmanuel Macron ? La plupart gardent un bon souvenir de la « police de proximité » dessinée voilà près de vingt ans par Jean-Pierre Chevènement. Elle aurait permis de renouer le contact avec les citoyens, en privilégiant les échanges avec cadres associatifs, commerçants et élus, et les actions préventives, plutôt que les interventions répressives guidées par le strict respect de l’ordre judiciaire. Mais comment cet engagement se déclinera-t-il dans la loi, puis de façon opérationnelle ? Les missions de cette police seront-elles les mêmes en centre-ville bourgeois et en quartier prioritaire de la politique de la ville ?
Revoir la formation
Les 10 000 créations de postes seront-elles fléchées sur la lutte antiterroriste et le renseignement – comme lors du précédent quinquennat – ou permettront-elles un redéploiement de la police et de la gendarmerie nationale à même de garantir la sécurité du quotidien des Français ? La formation des policiers sera-t-elle améliorée afin de changer les cultures de travail ? A ce stade, rien n’est acquis. Les questions restent plus nombreuses que les réponses.