Quand la police était exclusivement… municipale
Police d’un côté, gendarmerie de l’autre. Comment en est-on arrivé là ? Historiquement, en France, la notion de police est attachée à la ville. « À la Révolution, il a été décidé que c’était aux pouvoirs municipaux d’apporter sûreté, défense de la propriété ou respect de l’hygiène aux habitants d’une commune, explique l’historien bourguignon Jean-Marc Berlière (*). En 1794, toutes les villes de plus de 5 000 habitants devaient avoir un commissaire. » D’abord élu, celui-ci est rapidement désigné par l’exécutif : la mesure est prise sous le Directoire, par un Bonaparte qui veut commencer à imposer sa loi sur tout le territoire.
Tout au long du XIXe siècle, et jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, la police urbaine est indépendante dans chaque ville. Sur le reste du territoire, c’est la gendarmerie nationale – issue de la maréchaussée de l’Ancien régime – qui est chargée de la police des campagnes et de la sécurisation des voies de communication.
Sous Vichy, les polices passent sous le contrôle de l’État
Au début du XXe siècle, ce schéma est mis à mal. À cette époque, « il y a environ 17 000 gendarmes qui ont des dizaines de choses à faire, rappelle Jean-Marc Berlière. Ils sont débordés. » Ce sont eux notamment qui vont sur les grèves, marquant les prémices de la gendarmerie mobile. Les policiers, eux, se trouvent démunis quand les malfaiteurs quittent leur ville, d’autant qu’aucun lien s’existe entre les policiers de deux villes.
Des malfrats comme ceux de la bande à Bonnot profitent de ces faiblesses pour multiplier les attaques. « La presse les a racontées avec délice, dans un mariage du sang et de l’encre, en donnant une impression de sécurité et avec cette question : que font les pouvoirs publics ? »
Un peu plus tôt, Louis-Napoléon Bonaparte et la IIIe République avaient montré des velléités de centralisation de la police. Mais c’est le régime de Vichy, en 1941, qui étatisera toutes les polices municipales de France. « Cela a été conservé à la Libération. Peu de maires ont demandé le retour des pouvoirs de police », explique Jean-Marc Berlière.
Le processus de centralisation s’est poursuivi avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, en 2009. Désormais réunis place Beauvau, policiers et gendarmes finiront-ils, un jour, par ne faire plus qu’un seul corps ?
(*) Auteur de Polices des temps noirs , Ed. Perrin.