Risques professionnels : quels impacts sur les policiers municipaux ?
B.Holsnyder
Quels sont les risques professionnels auxquels sont exposés les policiers municipaux dans le cadre de leurs missions ? Une rencontre inédite organisée par le centre interdépartemental de gestion de la petite couronne a détaillé leur nature et leurs conséquences sur leur santé. L’occasion de rappeler les mesures de prévention et de vigilance à avoir en la matière et de souligner l’importance du suivi médical des agents.
Les polices municipales sont en plein essor. Et leur présence accrue sur le terrain amplifiée par le risque terroriste omniprésent n’a pas manqué de souligner très fortement leurs besoins d’équipement de protection. Mais au-delà de cet enjeu essentiel de sécurité, celui de leur propre santé au travail s’avère également prépondérant.
C’est sur cette dernière préoccupation que le centre interdépartemental de gestion (CIG) de la petite couronne a voulu insister en réunissant, le 9 juin dernier à Pantin, plus d’une centaine de professionnels pour échanger sur les risques professionnels auxquels sont confrontés les policiers municipaux, agents de surveillance de la voie publique (ASVP) ou encore opérateurs de vidéo protection.
Risques multiples, disparités de moyens
« Ce sujet est rarement traité en tant que tel », a indiqué Sarah Deslandes, directrice générale adjointe en charge de l’emploi, des concours, de la santé et de l’action sociale au CIG, au public présent : responsables de police municipale, conseillers en prévention des risques professionnels, médecins de prévention, membres de CHSCT ou encore responsables des ressources humaines. Une première donc pour ce CIG, particulièrement concerné par cette filière « sécurité » du fait de la présence de nombreux services de police municipale en Ile-de-France. « Une grande majorité des effectifs est concentrée en région parisienne », a rappelé Bernard Dreno, chef de service ergonomie et ingénierie de la prévention des risques professionnels (EIPRP) du CIG.
Sur le terrain, l’enjeu est bien réel. L’activité quotidienne des policiers municipaux n’est pas sans risque. Pour preuve : ils sont particulièrement sujets aux accidents du travail. « Par an, pour 100 policiers, leur nombre est égal à deux fois celui moyen de l’ensemble des agents de la fonction publique territoriale. Il est au-dessus de celui des agents des services techniques qui retiennent généralement notre attention. Nous avons clairement la démonstration que le travail induit une réduction du temps de sommeil et en cascade un certain nombre de troubles de l’attention et de la vigilance qui sont des facteurs d’accidents », a relevé Emmanuelle Bourin, chef de service de médecine préventive au CIG.
Les missions de police administrative et judiciaire de ces agents les placent donc face à des risques multiples. « Ils exercent des missions très exposées. Il s’agit de risques physiques et matériels. Certains sont liés à la circulation sur la voie publique ou encore aux missions de vidéosurveillance. Il y a également une composante importante en termes de risques psychosociaux », a précisé Bernard Dreno.
Face à cela pourtant, les mesures prises par les collectivités sont variables : « Il existe une grande disparité en matière d’équipements et de moyens, entrainant des conditions d’exercice des missions très différentes. Certains services de police municipale peuvent être face à des difficultés. Les agents se retrouvent face à des injonctions contradictoires de la part de certains maires au regard de ce qu’ils doivent réaliser au quotidien », a-t-il expliqué.
Typologie des risques
Concrètement, les agents sont confrontés à plusieurs « contraintes », selon la terminologie du CIG. Les premières, organisationnelles, visent notamment les horaires atypiques d’emploi des agents liés aux vacations de nuit mais également aux amplitudes de travail importantes. Les risques psychosociaux sont un deuxième type de contraintes et concernent en particulier le stress, les violences verbales, insultes, et agressions que peuvent subir les policiers municipaux et les ASVP lors de leurs missions et interventions.
Troisième catégorie : le risque routier qui est « fortement identifié », et qui est majoré en particulier lors d’opérations de contrôle effectuées la nuit. « D’où l’importance de sensibiliser les agents et de les former à une conduite adaptée aux situations d’urgence », a précisé Arnaud Veillard, ingénieur au service ergonomie et ingénierie de la prévention des risques professionnels du CIG.
Des risques physiques sérieux
Parmi les risques professionnels, ceux « physiques » mettent en jeu spécifiquement la santé des agents. Il s’agit de contraintes liées aux postures liées au travail effectué debout, en position statique, ou assis en véhicule. « Elles ne sont pas anodines en termes de conséquences au niveau des articulations et de la circulation veineuse en particulier sur des phases prolongées de patrouilles en véhicule. On retrouve aussi de véritables pathologies par compression du ceinturon et ce qui s’y attache et du gilet pare-balle », a indiqué Emmanuelle Bourin.
Un autre risque est celui lié à l’effort à fournir par les agents, qu’il s’agisse « soit d’efforts endurants soit aigus » nécessaires dans leurs activités quotidiennes. « C’est assez classique de se retrouver à parcourir de 10 à une douzaine de kilomètres par jour », relève-t-elle. Le poids tenue-équipement combiné, de près de 10 kilos n’est en outre pas sans conséquences sur la santé. L’exposition au bruit sur la voie publique et lors des séances de formation et d’entrainement à l’armement est également pointée comme réelle et ne doit pas plus être négligée.
Une contrainte visuelle extrêmement forte a aussi été pointée au sujet des opérateurs de vidéo protection qui devraient bénéficier de sièges confortables pour prévenir les éventuels troubles musculo-squelettiques. « Il faut avoir une attention très appuyée sur les distances entre les postes de travail et les écrans, sur le nombre d’écrans visibles et de mini- écrans qui jouent sur l’effort de l’agent », a précisé Emmanuelle Bourin.
Les agents sont aussi confrontés à d’autres circonstances plus exceptionnelles mais qui doivent néanmoins être prises en considération. Il s’agit d’une part, de l’exposition aux « agents chimiques » notamment lors de l’usage de gaz lacrymogène, et d’autre part, aux « agents biologiques et infectieux » qui peuvent être consécutifs aux contacts avec les usagers à l’occasion d’opérations de secours ou suite aux vérifications de dépôts sauvages de déchets sur la voie publique, nécessitant alors un équipement en gants résistant aux piqures, coupures, et perforations.
Surveillance médicale et accompagnement psychologique
La rencontre a été l’occasion de présenter les modalités du suivi médical des policiers municipaux, qui n’est pas codifié, et de rappeler les rôles respectifs de la médecine agréée et de la médecine préventive assurée par le centre de gestion. Selon le CIG, le policier municipal est un poste de « sécurité » qui nécessite une surveillance médicale particulière. « La médecine agréée rend un avis d’aptitude à la voie publique en termes de fonctions, et à l’armement. La médecine préventive rend un avis de compatibilité d’un poste de travail avec l’état de santé de l’agent. Elles sont complémentaires. L’articulation entre les deux se retrouve à tous les stades de la carrière de l’agent », a expliqué Emmanuelle Bourin.
C’est dans ce cadre de suivi médical que le CIG conseille la mise en œuvre de dispositifs d’accompagnement psychologique collectif et individuel, concernant des situations ordinaires sur la base d’analyse des pratiques, ou encore suite à des situations d’urgence sur la base de « débriefing à la suite d’évènements choquants potentiellement traumatisants ».