Toutes les parties en conviennent : même si un homme a été grièvement blessé, les conséquences du coup de folie d’Abdesselam Metaoui auraient pu être autrement plus tragiques, ce 14 décembre 2015.
Après deux ans de détention provisoire, ce père de quatre enfants au lourd passé de délinquant, assagi depuis quelque temps, devait répondre ce mercredi de ses actes. Il y a dans cette affaire effarante, pour ne pas écrire effrayante, ce que l’on sait avec certitude, et ce qui prête à confusion.
Certitudes tout d’abord. Abdesselam Metaoui, 50 ans, s’était bien fourni un pistolet-mitrailleur Ingram connu pour son instabilité, pour 2.000 € dit-il. C’est bien lui qui ce jour-là, à 13 h 40, a aveuglement ouvert le feu au milieu de parents et d’enfants, juste devant le collège Voltaire et une école voisine. Bien lui qui a touché un homme aux jambes, au bassin et à la main.
Le mobile ? « On croit rêver », pose la présidente du tribunal, « mais tout part d’un conflit entre deux collégiens ! ». Conflit initialement anodin qui prendra, en trois mois, d’affolantes proportions, sans que les plaintes déposées n’aboutissent à l’intervention de la police ( lire ci-dessous ). Ce qui a d’ailleurs été vertement reproché par l’avocat de M. Metaoui, Me Schwerdorffer.
« Planoise, c’est devenu un monde de cow-boy »
Il y a aussi ces zones d’ombre. M. Metaoui affirme s’être senti pris dans un guet-apens, face à deux, voire trois, personnes « missionnées » par la famille adverse pour l’accueillir devant le collège. Et que celles-ci étaient armées. Aucune arme, pourtant, n’a été retrouvée sur le jeune individu mitraillé, au casier judiciaire par ailleurs émaillé de nombreuses condamnations pour violences. « Ce n’est pas un saint, mais ça n’enlève rien à son statut de victime. Ce qui s’est passé, c’est de la sauvagerie à l’état pur », s’agace Me Bernard, l’avocat de l’homme criblé de balles.
Abdesselam Metaoui a envie de se justifier. En long, en large. Parfois de travers. « Je n’ai pas d’explication rationnelle à ce que j’ai fait. Je voulais me protéger et protéger ma famille », répète-t-il. « J’avais peur. C’est un sentiment humain qu’on ne peut pas contrôler. Planoise, c’est devenu un monde de cow-boy. Avant j’étais dans le milieu, avec de vrais hommes, jamais on ne m’avait sorti de flingue. Maintenant, tous les jeunes sont armés et se prennent pour les boss », poursuit-il.
Une position qui fait sortir la procureure de la République de ses gonds : « C’est paradoxal, en agissant ainsi, vous participez à cette réputation terrible de Planoise. Dans ce dossier, tout a été déraisonnable. Tous l’ont été, père, mère, enfants. Cette arme aurait pu faire un carnage ».
D’une voix rauque, puissante, Edwige Roux-Morizot poursuit : « Quel exemple a-t-il donné à son fils ? Qu’on règle ses problèmes au pistolet-mitrailleur ? Génération perdue, que ces gamins qui ont vu et vécu ça ! ». Cinq à six ans d’emprisonnement sont requis par le ministère public. Les juges ont eu la main moins lourde : Abdesselam Metaoui écope de trois ans de prison.
L’escalade incontrôlée jusqu’aux tirs
Ce 14 décembre 2015, Abdesselam Metaoui ouvre le feu vers 13 h 40 devant le collège Voltaire, à deux pas d’une autre école, alors que tous les élèves regagnaient les classes. Panique totale. Un homme est gravement blessé aux jambes, au bassin et à une main (30 jours d’ITT).
Le tireur se rendra de lui-même aux autorités le lendemain. Il explique son geste par un conflit entre son garçon et un autre enfant, qui s’est propagé à la sphère parentale. La famille Metaoui avait d’ailleurs porté plainte à deux reprises, en octobre et en novembre, pour dénoncer certains faits. Menace avec arme de poing. Pneus crevés. Voiture incendiée. La spirale était devenue infernale.
Dans le camp d’en face, une plainte avait également été déposée, après qu’Abdesselam Metaoui se soit rendu à son tour au domicile « adverse » pour signifier que lui aussi était armé. Le collège Voltaire, pour sa part, avait déposé plainte contre la famille mise en cause par le clan Metaoui.