Sécurité publique : l’Intérieur souhaite impliquer davantage les collectivités locales
© Nicolas Kalogeropoulos
Lutte contre le terrorisme, prévention de la radicalisation, sécurité du quotidien : le ministère de l’Intérieur mène actuellement plusieurs chantiers de front. Et reconnaît qu’il n’y arrivera pas seul… Sans passer d’un modèle régalien à un fonctionnement décentralisé, Gérard Collomb souhaite ouvrir la police sur l’extérieur et mieux y associer les collectivités territoriales comme leurs élus et les habitants.
Devant un parterre de fonctionnaires territoriaux et de leurs responsables politiques réunis à l’occasion des seconds Etats généraux de la sécurité locale, jeudi 9 novembre, Gérard Collomb n’a pas tari d’éloges sur l’importance des élus locaux dans les politiques de sécurité publique. « Avec les professionnels et les acteurs associatifs, ce sont eux qui possèdent la connaissance la plus fine des phénomènes de délinquance » a vanté le ministre de l’Intérieur, à l’occasion de cette manifestation organisée par le Club Prévention-Sécurité de la Gazette des communes. Un refrain certes emprunté, dans de telles circonstances, par de nombreux autres patrons de Beauvau avant lui, mais avec quelques nouveautés tout de même.
Réhabilitant la notion de « co-production de sécurité », l’ancien maire et président de la métropole lyonnaise de 2001 à 2017 s’est ainsi dit prêt à « faire bouger le curseur entre Etat, collectivités et sécurité privée. Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause le modèle français régalien – qui a fait ses preuves. D’autant plus quand je vois les difficultés que posent la dispersion des pouvoirs, avec des polices fortement décentralisées, dans des Etats fédéraux comme les Etats-Unis ou l’Allemagne. Mais quand l’insécurité progresse dans une ville, c’est à leurs maires que s’adressent nos concitoyens. Vous êtes en première ligne. »
Une réforme « qualitative » pour la sécurité du quotidien
Dissuader les délinquants, rassurer les populations et ainsi décharger les élus, c’est à cela que doit remédier la « police de sécurité quotidien » censée être expérimentée à partir du début de l’année 2018, dans la foulée d’une vaste concertation associant police nationale, association d’élus et entreprises de sécurité privée. Outre 10 000 créations de postes devant permettre un redéploiement des effectifs de police sur le terrain, le ministre de l’Intérieur a annoncé un saut qualitatif.
« La police de demain devra être une police sur-mesure, car la délinquance n’est pas la même dans le centre de Paris que dans les communes en périphérie de la capitale ou les villes moyennes de province Un certain nombre de décisions seront déconcentrées aux acteurs de terrain, et les élus mieux associés. Les effectifs seront, eux, ajustés aux contextes locaux et aux réalités de terrain d’une France diverse – en fonction de l’insécurité vécue par nos concitoyens et perçue par les élus » a dévoilé Gérard Collomb.
Prévention de la radicalisation : généraliser l’implication des collectivités
La police de sécurité du quotidien, en opposition à la police d’intervention privilégiée par Nicolas Sarkozy, favorisera le partenariat local. Pareil pour la lutte contre le terrorisme. « Qui mieux qu’un élu peut observer le changement d’ambiance d’un quartier ? Qui d’autre qu’un bailleur ou un travailleur social connaissant l’intimité de chaque immeuble peut déceler des changements de comportements, des signaux faibles de radicalisation ou les ruptures de certains individus ? » fait mine d’interroger le ministre de l’Intérieur. « Un certain nombre d’entre vous travaillent déjà dans ce sens, mais l’Etat et les services de renseignement ont besoin de toutes les collectivités territoriales pour prévenir d’éventuels futurs attentats en agissant à la source. »
« S’il y a bien un domaine où l’Etat et les collectivités doivent coproduire la sécurité, c’est bien celui de la prévention de la radicalisation. Les villes de Nice, Bordeaux, Sarcelles ou Strasbourg l’ont compris, des conseils départementaux et régionaux aussi, mais il nous reste à opérationnaliser le partenariat dans les territoires où il y a une absence de volontés ou de capacités à s’impliquer » complète la secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), Muriel Domenach, lors d’un atelier organisé dans l’après-midi.
De l’éducation à l’insertion : un travail global
Autre message que le ministre de l’Intérieur souhaitait faire passer à l’assistance : la nécessité d’agir de manière transversale et profonde. « Les problèmes de sécurité publique ne sont que la face immergée de la délinquance. Le chômage des jeunes, la paupérisation et l’absence de mixité sociale de certains quartiers prioritaires, doivent être traités. Les élus locaux doivent agir sur l’ensemble des éléments faisant la ville, de l’architecture au sport en passant par la culture ; tout cela joue un rôle. Vous devez également faire plus en matière de prévention situationnelle et de sécurisation des espaces publics, places ou allées, particulièrement lors de grands événements. »
« C’est appréciable de voir un ministre de l’Intérieur renouveler la réflexion sur la manière d’appréhender la sécurité et la prévention de la délinquance au niveau local, décrypte Roger Vicot, maire de Lomme (Nord) et président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Cela nécessite un travail global, entre l’Etat, les collectivités, les commissaires, le procureur, l’Education nationale, les policiers municipaux, les travailleurs sociaux et pourquoi pas les habitants investis dans les conseils de quartier ou conseils citoyens. Bien sûr, il reste à préciser comment le « partenariat » appelé de ses vœux par Gérard Collomb se concrétisera, d’autant plus lorsqu’on connaît le fonctionnement très hétéroclite et disparate des différents Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance… Mais cela reste intéressant de vouloir évaluer la situation, comprendre pourquoi le partenariat s’est délité et tenter de rebattre les cartes ».