Séquestration à La Poste d’Alès : trois ans de prison dont deux avec sursis 9 STÉPHANE BARBIER
Le prévenu, souffrant d’excès de colère, retourne en prison avec une obligation de soins et d’indemnisation des victimes.
Du guichet de La Poste d’Alès au box des prévenus. C’est le chemin parcouru par J.F, dont le tribunal jugeait, lundi 18 septembre, après un renvoi, les actes de violence, séquestration, rébellion et menace de mort sur personnes dépositaire de l’autorité publique commis le 3 août dernier. Au cœur de l’été, le prévenu, armé d’un couteau séquestre le responsable de l’établissement après la confiscation de sa carte bancaire par le DAB.
Une situation récurrente vécue par le prévenu, dépourvu de carte d’identité, la cause de ses difficultés, que les services de La Poste n’ont pu gérer ce jour-là devant sa colère. Alerté, un équipage de la police municipale interviendra face à un individu passablement énervé, séquestrant le responsable dans son bureau depuis lequel il videra un extincteur en direction des fonctionnaires de police avant de rendre son arme et d’être interpellé. Placé sous mandat de dépôt, le prévenu était défendu par Me Thomasian (Alès) tandis que les intérêts des policiers étaient représentés par Me Mourier (Ales), ceux de La Poste par Me Couchiés (Perpignan).
Huit ans de vie dans la rue
L’audience présidée par Émilie Debasc s’est ouverte par le compte rendu de l’expertise psychiatrique à l’origine du renvoi. Une analyse soulignant “la désinsertion sociale, les hospitalisations en psychiatrie” comme “une tentative de pendaison et une instabilité émotionnelle ou “border line” avec altération du discernement au moment des faits.”
Depuis son box, la voix embrumée par les nombreux traitements substitutifs et psychiatriques, J.F rappelle “les trois mois d’attente” pour avoir son argent, puis sa colère quand l’appareil avale sa carte, “un voile blanc, un moment de rage, il fallait que je tape mais je n’ai pas voulu piquer”, avec un couteau qu’il dit devoir porter sur lui quand “vous vivez depuis huit ans dans la rue”, en sus d’un cutter trouvé dans son sac.
L’avocat des policiers regrettant que le prévenu se présente comme “la victime de la société, des tracasseries de La Poste comme des agissements des policiers”, dans un espace devenu “lieu de tous les dangers.” Apportant son soutien au travail des policiers “qui ne sont ni des harceleurs de mendiants ni des cow-boys”, l’avocat concluera en fustigeant un prévenu interpellant les policiers pendant l’audience.
Quatre condamnations
La représentante des intérêts de La Poste et de son personnel, Me Couchiés, enchaînera avec l’absence “de regret du prévenu concernant le traumatisme occasionné. On ne prête pas d’argent à une personne sans carte d’identité néanmoins il avait été dépanné de 300 € la veille, mais il ne se souvenait plus de son code. Il est seul responsable de son dommage et s’il est le spécialiste du pétage de plomb, son casier judiciaire parle pour lui, on craint de savoir quand se reproduiront ces moments de “blanc”.”
Avec quatre condamnations à son casier judiciaire ; détention d’arme, stupéfiants ou violences, le parquet représenté par Sébastien Sider, assène le terme de prise d’otage. “Nous sommes à 12 h 30, en présence du public, le directeur a déjà fait le nécessaire, soit 300 € par semaine, et il se retrouve privé de sa liberté, sous la menace d’un couteau pendant 20 à 30 minutes, une éternité. La scène est d’une violence extrême.” Concluant par “l’absence de prise de conscience tonitruante”, le vice-procureur requiert alors trois ans de prison dont un an avec sursis.
En défense, Me Thomasian révèle au tribunal “sa tristesse devant une personne en souffrance de part sa faiblesse psychique. Ce n’est pas une structure psychologique déterminée, il ne souvient même pas de son code bancaire, ce qui explique cette absence de conscientisation alors qu’il ne sait même pas ce qui se passe dans sa propre tête. Il fait partie de la société même s’il se met, tout seul, au banc de celle-ci. C’est un débordement émotionnel qui demande une peine qui ne soit ni dure, ni brutale, car le principal risque est d’abord contre lui-même.”
Une obligation de soins et d’indemnisation des victimes
Après délibération, le tribunal déclare coupable le prévenu et le condamne à trois ans de prison dont deux ans et mise à l’épreuve, une obligation de soins et d’indemnisation des victimes. Le tribunal reçoit également les demandes d’indemnités des parties civiles concernant les policiers, soit 600 € pour l’un deux et 300 € pour les trois autres, 1 € de dommages et intérêts pour deux personnels de La Poste ainsi qu’un renvoi sur intérêts civils, au 19 décembre à 14 heures, pour le responsable de l’établissement.