A Strasbourg, les renforts policiers se font attendre. La ville fait pourtant bien partie de la première vague de déploiement de la toute nouvelle police de sécurité du quotidien (PSQ) créée par Gérard Collomb pour développer la présence des bleus sur le terrain, auprès de la population. Mais la capitale européenne n’attire pas les foules, ni à la sortie de l’école de police, ni lors des mutations.
Résultat ? « Il manque déjà 50 policiers à notre effectif », assure Jean-François Illy, le directeur départemental de la Sécurité publique (DDSP), qui dispose d’un millier d’hommes. Il lui faudra donc attendre la prochaine sortie des classes, en décembre, pour espérer voir débarquer les 20 volontaires prévus dans le cadre de la police de proximité version Emmanuel Macron. Ces renforts devraient arriver juste à temps pour faire face aux traditionnels incendies de véhicules du 31 décembre. Les excités du Neuhof et de la Meinau se sont forgés une réputation nationale avec ces embrasements hivernaux : 133 en 2015, 76 en 2016 et encore 140 en 2017, essentiellement lors de la Saint-Sylvestre.
Dans ces deux cités où vivent 42.000 habitants, le trafic de stupéfiants est en plein boom. Les renforts de la PSQ prêteront main forte à la brigade spécialisée de terrain (BST) du matin au soir, sept jours sur sept. Car pour l’heure, « les agents de la BST ne sont pas suffisamment nombreux pour être présents le matin. Alors bien sûr, les dealers se sont adaptés à leurs horaires et trafiquent plus tôt dans la journée », rapporte Sébastien Gérardin, secrétaire départemental du syndicat Alliance.
Comme ses confrères syndicalistes des autres villes concernées par le nouveau dispositif, il estime cependant les renforts annoncés trop maigres. Même son de cloche chez Thierry Roos, conseiller municipal Les Républicains du groupe « Strasbourg à vos côtés » : « 20 policiers supplémentaires, c’est toujours bon à prendre, mais je ne voudrais pas que l’on tombe dans des mesures anecdotiques faute de moyens », anticipe-t-il.
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Le Neuhof et la Meinau ont été choisis par le ministère de l’Intérieur comme quartiers dits de reconquête républicaine alors que la mairie socialiste et la police avaient proposé, dans un premier temps, deux autres secteurs à la Place Beauvau : celui de la gare, dans le centre-ville, et celui de l’Elsau. « Neuhof et la Meinau bénéficiaient déjà d’une attention particulière puisqu’ils étaient zones de sécurité prioritaire », rappelle Jean-François Illy.
Mais ce qui a fait pencher la balance, c’est que les niveaux de délinquance y restent plus élevés. Alors que, depuis 2008, la délinquance générale a diminué de 13% à Strasbourg, et même de 22% pour les atteintes aux biens, dans le quartier du Neuhof, elle continue de flamber : 17% de faits de délinquance en plus enregistrés lors des six premiers mois de l’année. Quant à la Meinau, elle se stabilise : la sécurisation du stade de football, avec la montée du Racing Club de Strasbourg en Ligue 1 en 2017, n’y est certainement pour quelque chose.
« La PSQ colle assez bien avec ce qu’est la mairie de Strasbourg. Elle appartient à un courant de centre gauche, progressiste. Elle a déjà adopté une politique de sécurité dans l’esprit de la police de proximité », analyse Mathieu Zagrodzki, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. Du coup, « la PSQ ne va pas révolutionner le fonctionnement local de la police », estime Robert Herrmann, adjoint au maire de Strasbourg, en charge de la sécurité et président de l’Eurométropole.
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Ici, cela fait longtemps que les polices municipale et nationale collaborent. La police municipale est armée depuis sa création en 1991 et opérationnelle 24 heures sur 24. Les deux partagent la même fréquence radio pour « faciliter la complémentarité opérationnelle », précise Pierrette Gunther-Saës, directrice générale adjointe de la mairie et de l’Eurométropole, chargée de la sécurité. Quand Fabienne Keller (Agir) était maire, entre 2001 et 2008, elle avait fait augmenter le nombre de policiers municipaux de 100 à 157. »Depuis, cela n’a pas bougé », rappelle celle qui est devenue la sénatrice du Bas-Rhin.
Mais l’arrivée de la police de sécurité du quotidien sera l’occasion de généraliser la collaboration entre forces de l’ordre jusqu’ici testée dans seulement quelques unités. Les brigades spécialisées de terrain sont ainsi déjà affectées à un secteur bien précis. Le bureau de police du quartier devient leur QG, et non plus le commissariat central. Le rôle de l’ensemble des policiers des BST est centré sur le recueil des signalements auprès de la population et la détection de trafics lors des phases d’observation, grâce à leur connaissance d’un territoire circonscrit, en amont de la phase d’interpellation.
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« Une fois les délinquants présentés devant le juge, l’idée est d’aller plus loin. Nous continuerons de travailler avec les bailleurs sociaux pour que la procédure pénale puisse servir de base à une procédure civile, d’expulsion notamment, de manière à chasser les “nourrices” qui gardent la drogue dans leur logement social », détaille Jean-François Illy. Les cellules de veille dans les zones de sécurité prioritaires et les cellules de coordination de sécurité rassemblaient déjà ces différents acteurs : forces de l’ordre, bailleurs sociaux et éducateurs. Reste à généraliser ces pratiques.