Surveillance : le trop-plein de caméras ?
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) appelle à la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras de vidéosurveillance. Combinées notamment à de puissants algorithmes de reconnaissance faciale, elles posent le problème des libertés publiques et d’un fichage généralisé.
Caméras-piétons équipant certaines forces de l’ordre, utilisation de terminaux mobiles de particuliers comme à Nice avec une application pour smartphone, systèmes de vidéo «intelligente» capables de détecter des situations anormales sur la voie publique, dispositifs de suivi et de reconnaissance d’individus à l’aide de données biométriques, reconnaissance faciale, etc. : la vidéosurveillance a connu ces dernières années non seulement un développement grandissant dans les villes et parfois dans des villages mais elle a aussi connu un bond technologique très important.
À telle enseigne que la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) vient de tirer la sonnette d’alarme en réclamant «la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo.»
«Ces technologies, sur lesquelles la CNIL est de plus en plus sollicitée, s’inscrivent dans une optique de prévention ou de répression des troubles à l’ordre public. La légitimité de cet objectif ne peut en tant que telle être contestée», assure l’autorité indépendante. «Mais ces dispositifs, qui s’articulent parfois avec des technologies de big data, soulèvent des enjeux importants pour les droits et libertés individuelles des citoyens. Le sentiment de surveillance renforcée, l’exploitation accrue et potentiellement à grande échelle de données personnelles, pour certaines sensibles (données biométriques), la restriction de la liberté d’aller et de venir anonymement, sont autant de problématiques essentielles pour le bon fonctionnement de notre société démocratique.»
Nouveau cadre juridique nécessaire
La CNIL constate combien le cadre juridique est dépassé face à cette nouvelle donne de la vidéosurveillance. «Le cadre juridique actuel (est) précis sur certaines technologies (caméras fixes, certains usages de caméras-piétons) et certaines finalités (visionnage «simple» d’images) (mais) n’apporte en revanche pas nécessairement de réponse appropriée à l’ensemble des techniques et usages nouveaux», explique l’autorité.
Avant même l’établissement de nouveaux garde-fous, le travail de contrôle est d’ores et déjà très important et les manquements nombreux. «Dans ses rapports d’activité annuels, la CNIL pointe chaque année les contrôles qu’elle a faits et les manquements au droit qu’elle a constatés. Elle pointe dans des proportions non négligeables des manquements au droit, que ce soit la formation des agents, la configuration précise des logiciels pour que les caméras ne filment pas les parties privées, la présence de panneaux indiquant qu’on est filmé, etc.», explique Laurent Mucchielli, sociologue directeur de recherches au CNRS.
«Il est aujourd’hui impératif que des garde-fous soient prévus afin d’encadrer les finalités pour lesquelles (les nouveaux dispositifs) peuvent être déployés et prévenir tout mésusage des données traitées par leur biais», estime ainsi la CNIL, qui appelle «à ce que le législateur puis le pouvoir réglementaire se saisissent de ces questions.»