Trafic de cigarettes en Andorre : le douanier était complice
Un juge d’instruction de Perpignan s’apprête à boucler «d’ici trois mois» une enquête qui apporte un éclairage inédit sur le trafic de cigarettes. Elle permet d’expliquer la porosité de la frontière entre la France et l’Andorre, où les cigarettes sont détaxées.
Un douanier du poste de Porta, près du tunnel du Puymorens, indiquait aux trafiquants avec qui il était en cheville les heures où aucun contrôle n’était prévu. Les voitures chargées de centaines de cartouches de cigarettes pouvaient alors se ruer sur les routes pyrénéennes. L’enquête a été ouverte en 2015, à la suite d’informations fournies par la Guardia Civil et après un contrôle ayant permis la saisie de 335 kg de cigarettes. Dès lors, dans le plus grand secret, le Service national des douanes judiciaires, basé à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, va enquêter sur cet agent d’une cinquantaine d’années, à la carrière jusqu’ici sans tache, et qui était revenu à sa demande à Porta, après avoir été un temps affecté à un autre poste.
Une mécanique bien rodée
Écoutes téléphoniques, surveillances : l’enquête va permettre de comprendre l’organisation du réseau, où le douanier de Porta jouait un rôle central.
«La veille de ses prises de service, il prenait contact avec les employés (d’un supermarché d’Andorre, où l’on peut s’approvisionner en cigarettes en grande quantité, N.D.L.R.) pour savoir ce qui était prévu, et organisait les passages de la frontière : le douanier leur disait si la frontière était libre au moment du passage», a précisé un magistrat de la cour d’appel de Montpellier.
Certaines voitures venaient de loin. Un jeune homme de Vélizy, en région parisienne, a d’ailleurs été écroué après avoir effectué 26 voyages vers la Principauté en un an. L’un des contrebandiers a reconnu faire «un bénéfice de 1 700 €» par voyage, malgré le prix du carburant et celui des péages.
Des écoutes téléphoniques accablantes
Les écoutes téléphoniques se révèlent accablantes pour le douanier, arrêté alors qu’il envisage de se servir «d’un camion postal allant tous les jours d’Espagne en France et qui n’est jamais contrôlé» pour donner une plus grande ampleur à son trafic. Des vérifications sont en cours sur son patrimoine immobilier et son train de vie. Ses belles et régulières vacances à l’étranger avaient intrigué nombre de ses collègues.
Il sera aussi jugé pour contrebande, 108 cartouches ayant été découvertes dans sa voiture le jour de son arrestation. En mars, il a été arrêté et incarcéré, pour «corruption passive» et placé sous mandat de dépôt.