Mon petit frère ne ferait pas de mal à une mouche. » L’incompréhension est totale au sein de la famille de Rémy, 17 ans, qui a été interpellé dimanche, devant la fan zone aménagée à Compiègne. « Il était dans la file d’attente pour rentrer dans le parc Songeons. Quand les policiers ont lâché les bombes lacrymogènes, il est parti en courant : il avait sur lui un fumigène bleu blanc rouge, qui s’est déclenché. C’est sans faire exprès. Mon petit frère a voulu alors le jeter à terre… »
Rémy est immédiatement embarqué par la police nationale. Son père est alerté par un ami qui était venu avec le jeune homme regarder la finale France-Croatie sur le grand écran installé dans ce jardin municipal du centre-ville. Ni la mère du jeune homme, ni son grand frère n’arrivent à rentrer en contact avec lui pendant de longues heures. « Nous sommes passés au commissariat dès dimanche et nous avons demandé que Rémy soit assisté d’un avocat. Il ne connaît rien à tout ça. »
Mis en garde à vue dès 15 h 30 dimanche soir, il est finalement laissé libre hier matin et sa famille, qui réside dans les environs de Compiègne, est invitée à venir le chercher à l’hôtel de police peu avant 11 heures. « Le mineur ne fait l’objet d’aucune poursuite. Il n’y a aucun élément contre lui dans le dossier », précise le substitut du procureur, Nathalie Moenet, au parquet de Compiègne.
La situation est différente pour un deuxième homme, interpellé tout comme Rémy, à proximité de la fan zone. Toujours en garde à vue hier après-midi, il s’est vu reprocher des violences avec arme contre des personnes dépositaires de l’autorité publique. Des faits à l’origine de l’évacuation menée par la police nationale, justifie le commissaire de Compiègne, Sébastien Chalvet. « Les foules ne peuvent être dispersées que dans un cadre légal précis, si l’ordre public est troublé et/ou si des exactions sont commises contre les personnes, notamment contre les policiers. Cela a été le cas dimanche. »
Des personnes, énervées de ne pouvoir entrer dans la fan zone, ont alors tenté de forcer les grilles pour pénétrer quand même dans les lieux, relate encore cet officier. « Des coups ont été perpétrés contre les agents de sécurité et la police municipale, nécessitant un renfort de la police nationale. Dès lors, de nombreuses bouteilles en verres ont été jetées sur les effectifs présents, blessant deux agents de sécurité et un policier municipal, obligeant la police nationale à faire usage de la force. »
Après avoir lancé les premières sommations « Évacuez immédiatement », les policiers ont chargé la foule, usant de tir de lanceur de balles de défense et de grenades lacrymogène, afin de disperser le public encore présent rue d’Austerlitz et rue Jeanne d’Arc.
Plus tard dans la soirée, un troisième homme a été à son tour interpellé en centre-ville de Compiègne et mis en garde à vue. Il est lui poursuivi pour outrage et rébellion. « Une réponse pénale va être donnée, précise-t-on au parquet de Compiègne, mais il n’y aura pas de comparution immédiate. Les faits sont certes fort désagréables, notamment les violences avec arme, mais une convocation ultérieure devant le tribunal correctionnel est une réponse proportionnée, au regard de la gravité des actes et surtout des casiers. Ces personnes ne sont pas très connues de la justice. »
A Compiègne, l’entrée de la fan zone évacuée par la police
Il est 17 h 15, ce dimanche soir et le match France-Croatie est disputé déjà depuis un quart d’heure. Pourtant, devant la fan zone aménagée dans le parc Songeons à Compiègne, la file d’attente est loin de s’être résorbée. L’impatience monte.
Quand un agent de la Ville de Compiègne annonce que seuls 80 supporters vont encore pouvoir pénétrer dans le jardin, la frustration est grande. « Nous sommes 3000, le maximum de personnes qui avaient été autorisées par la préfecture », confirme au Courrier picard le cabinet du maire de Compiègne.
Dans la rue d’Austerlitz, les supporters déçus décident de repousser chemin ; d’autres expriment leur colère. Les insultes fusent, les doigts d’honneur sont salués par une foule exaspérée, qui a patienté plus d’une heure sous le soleil.
« Aller faut escalader ! », « On fait une mêlée ? »… Les idées les plus folles sont suggérées par quelques-uns. Les grilles du parc, désormais fermées au public, sont secouées violemment et commencent à tanguer. Une mère demande à ses enfants de se s’éloigner : « Ça va dégénérer. »
Au porte-voix, la police nationale lance une première sommation. « Évacuez immédiatement. » Une partie du public reflue vers la rue Jeanne d’Arc. Deuxième sommation. « On vous demande d’évacuer maintenant. » Aussitôt des jets de lacrymogène sont balancés par les policiers sur les retardataires. On entend des détonations. Des bouteilles en verre sont alors balancées en direction des forces de l’ordre.
Les policiers sortent du parc et avancent vers le public. Un premier homme est interpellé au pied de la tour Beauregard ; un second à deux pas des salles Saint-Nicolas. « Ceux qui se sont montrés plus agressifs que les autres », précise le sous-préfet de Compiègne, Ghyslain Chatel.Sur place, le commissaire Sébastien Chalvet n’est pas disponible pour donner des précisions sur cette intervention.
Le public s’est dispersé et les policiers se sont déjà repliés. Depuis le parc, on entend les clameurs du public qui salue les buts des Bleus.