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SNPM Syndicat National des policiers Municipaux

Une nuit avec les policiers municipaux

 

David RODOREDASamedi 16 décembre 2017
Une nuit avec les policiers municipaux
23h21 : les policiers s’enfoncent dans le quartier de la Mâtine. (DRo)

Chaque jour, les hommes et les femmes de la toute jeune brigade de nuit de la police municipale écument les quartiers de Cayenne, avec pour difficile mission de les sécuriser. La tâche est ardue, les situations rencontrées parfois délicates et les moments d’action souvent intenses. Nous les avons accompagnés, samedi dernier, jusqu’au petit matin. Récit d’une nuit comme une autre dans les rues de la ville capitale.

21H50. Poste de la police municipale de Cayenne. Le chef de la brigade de nuit, Pierre, 38 ans, se restaure dans le coin cafet’. Les policiers et policières qu’il a sous ses ordres se préparent. Ils enfilent leur équipement : gilet pare-balles, armes, gazeuse lacrymogène, radio, menottes… Parmi eux, Donald, 50 ans, chef de police, 28 ans passés dans la police municipale ou encore Sylvain, 55 ans, un employé de banque devenu policier en 2007. Des profils divers et variés, mais tous ont choisi la brigade de nuit poussés par une même motivation. Uriel, 30 ans, policière depuis 2016, l’explique en un mot : « l’action » . « La nuit, on est plongé dans un monde plus hostile » , ajoute Eric, 41 ans, brigadier cumulant 15 ans d’expérience dans la police municipale.
Les hommes et les femmes qui composent cette brigade un peu spéciale assurent leur service trois à quatre nuits par semaine. La brigade de nuit est toute jeune, elle a été inaugurée en octobre de cette année.
Marie-Laure Phinera-Horth, maire de Cayenne, arrive, salue les neufs brigadiers et enfile son gilet pare-balles. Sur les raisons de sa présence, l’édile précise qu’elle suit régulièrement la brigade pour « voir ce qui se passe la nuit dans les quartiers » , avant d’abonder : « Le tableau de nuit est différent de celui du jour. »
22H32. Le chef de la brigade démarre son briefing. Au tableau, la répartition de l’équipe dans les trois voitures. Nous suivrons donc le chef de la brigade Pierre, 38 ans, et deux brigadiers, Andy et Fabrice, respectivement 37 et 33 ans. Le point de la nuit qui inquiète le chef est un sound-system à Mont-Lucas. Les invitations ont circulé sur les réseaux sociaux. Officiellement, c’est l’anniversaire d’un DJ, l’alcool est annoncé « gratuit » .
22H40. Nous montons dans les voitures. Deux d’entre elles sont sérigraphiées « ville de Cayenne » , une seule « police municipale » , celle dans laquelle nous allons passer une bonne partie de la nuit.
23H21. Les policiers s’enfoncent dans le grand squat à ciel ouvert de la Mâtine. Ils évoluent dans d’étroites ruelles qui se faufilent entre des baraquements de fortune. Un labyrinthe. Aussi, les hommes et les femmes de la brigade de nuit sont sur leur garde. Ici, pas d’éclairage public, aussi lancent-ils un coup d’éclairage dans chaque coin sombre. Ils surveillent également leurs arrières avec une attention particulière.
23H53. Notre voiture entre dans la cité de Mont-Lucas. « Fermez la vitre » , demande un policier. « Ici, on s’est déjà fait caillasser. »
Des guetteurs, assis sous un grand porche, sifflent pour signaler notre arrivée. Les policiers font un tour du quartier. RAS (rien à signaler), excepté notre départ par les guetteurs. À la sortie de Mont-Lucas, nous croisons leurs confrères de la BAC près du lieu où doit se tenir le sound system qui n’a visiblement pas commencé. Ils échangent quelques mots. « Tous les méchants sont là, dit l’un d’eux, avec l’alcool gratuit, ça va partir en c……. »
1H43. Tandis que nous remontons la rue Jadfard, les policiers repèrent un homme en train d’exercer des violences sur une femme au sol. Le chauffeur stoppe aussitôt la voiture, les hommes descendent et rejoignent le petit groupe de personnes. L’agression cesse aussitôt, la femme peut se relever. La victime, âgée d’une trentaine d’années, est enceinte. Comme son agresseur, elle a consommé de l’alcool. Mais ce dernier est dans un état d’ébriété très avancé. Il tente de monter sur son scooter et de démarrer. Les policiers ont du mal à le raisonner. Le chef hausse le ton et le force à descendre de son engin.
2H10. Alors que nous quittons Mont-Lucas, la radio signale le vol d’un véhicule à Balata. Une Volkswagen Touran, volée clefs sur le contact, pendant que sa propriétaire faisait une rapide course. Aussitôt les policiers soupçonnent que l’auteur du vol compte se rendre au soundsystem.
2H33. Le chef de brigade hisse sa tête au-dessus de la barrière, il constate que le Touran vient d’être déplacé de l’autre côté du petit parking. Le ou les voleurs sont là, il faut changer de position. Nous nous positionnons quelques dizaines de mètres plus loin, en contre-haut du parking, dans un petit sous-bois. Depuis ce discret poste de surveillance, commence alors la planque. Les policiers scrutent chacun des mouvements près de la voiture volée.
2H46. Alors qu’un individu tourne autour de la voiture, ses feux se mettent à clignoter à plusieurs reprises. Il semblerait qu’il ait des difficultés avec la télécommande pour déverrouiller les portières.
Les policiers n’attendent désormais que le « flag » , le suspect doit impérativement pénétrer dans l’habitacle pour qu’ils puissent constater le flagrant délit. Deux agents se tiennent prêts à bondir tandis que le chauffeur, main sur le contact, se prépare à démarrer pour aller barrer la route à toute tentative de fuite du voleur avec le véhicule.
2H55. La lumière du plafonnier de la voiture volée s’est allumée, l’individu a ouvert la portière, il s’apprête à s’installer à bord. « Il est dedans! On fonce! » Le brigadier Andy lance aussitôt le moteur tandis que le chef de la brigade Pierre et le brigadier Fabrice s’élancent hors de la voiture. Ils traversent la route, courent entre les voitures sur le parking.
2H57. L’individu est neutralisé, face au sol, puis menotté. Son transport est pris en charge par la police municipale, dans notre voiture. Le malfaiteur est dans un état second, probablement dû à un mélange d’alcool et de stupéfiants. Assis à l’arrière, entouré de deux policiers, il s’agite. « Arrête de bouger, et n’essaie pas de me mordre! » « J’ai mal au dos » , répond l’homme menotté. Gyrophare allumé et sirène hurlante pour les passages d’intersections, nous filons à toute allure dans les rues de la ville capitale, grillant stops et feux rouges.
5H26. Alors que nous arrivons devant la villa où se déroule le sound system, plusieurs coups de feu retentissent au sein de la fête. Aussitôt, le grand portail s’ouvre et chacun tente de s’échapper. À l’intérieur, c’est la panique. Cris et coups de feu continuent d’affoler la foule. Les policiers appellentdesrenforts.
5H27. Les policiers, à couvert derrière leur véhicule, ont sorti leurs armes. Flash-ball pour Fabrice, taser pour Andy et pistolet automatique pour Pierre. « Surveillez bien les mains, lance-t-il à ses hommes, ils peuvent sortir arme à la main. »
5H33. De nouveaux coups de feu retentissent un peu plus haut dans la rue, tandis que les premières caillasses et canettes en verre s’écrasent autour de nous. Au caillassage, les policiers répondent avec le flash-ball. Fabrice tire plusieurs cartouches en direction des coups de feu et des lanceurs de projectiles. Dans l’obscurité, il est difficile d’en déterminer l’origine et de les voir arriver. Ont-ils des casques pour s’en protéger ? Non.
5H37. Les renforts arrivent. Policiers municipaux et nationaux commencent à sécuriser la zone. Quelques projectiles continuent de tomber sporadiquement près des policiers et sur leurs voitures.
5H45. Le calme revient sur fond de premièreslueursdujour.
6H17. L’ensemble de la brigade de nuit est de retour au poste. L’armement est réintégré, les gilets pare-balles ôtés. Les hommes et les femmes de cette unité spéciale de police municipale se restaurent puis font un debriefing. Ils vont pouvoir rentrer chez eux pour dormir, avant de se préparer pour la prochaine nuit dans les quartiers de Cayenne.
21h50 : Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne, est équipée d’un gilet pare-balles. L’édile suit régulièrement la brigade de nuit « pour voir ce qui se passe dans les quartiers » (DRo)
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