Une victime de Jacques Rançon prise d’une crise de hurlements devant la cour d’assises
Par François David, France Bleu Roussillon et France Bleu
Alors qu’elle racontait à la barre la terrible agression dont elle a été victime en 1998, Sabrina a soudain craqué. Ses hurlements ont tétanisé la salle d’audience ce jeudi, au huitième jour du procès du « tueur de la gare » de Perpignan.
Perpignan, France
Depuis une heure, Sabrina se tient droite, courageuse, devant la Cour d’assises des Pyrénées-Orientales. Les mots se bousculent lorsqu’elle raconte l’agression dont elle a été victime en 1998 à Perpignan. Et soudain, elle craque. D’abord un rire nerveux. Puis elle se fige, comme possédée, elle est prise d’une crise de hurlements. « Des hurlements de bête », dit son avocat, sous le choc. Vingt ans après, elle vient de revivre son agression, devant une Cour d’assises brusquement tétanisée.
Sabrina : « J’ai attendu ce moment pendant 17 ans »
C’était le soir du 9 mars 1998, vers 20 heures. Sabrina attendait son petit ami au pied de son immeuble. « Un monsieur arrive, il me dit bonsoir. Je réponds avec un sourire. Il engage la conversation, il me dit que je suis jolie ».
Rapidement, le malaise s’installe. L’homme est éméché, il explique qu’il vient de fêter son anniversaire en buvant du champagne avec ses collègues au marché Saint-Charles. Sabrina commence à prendre peur : « Il avait un regard noir, sadique. La façon dont il me regardait, de haut en bas, on aurait dit qu’il me faisait l’amour. »
Quelques instants plus tard, Jacques Rançon sort brusquement un couteau de sa poche et le plante dans la poitrine de Sabrina. « Je n’ai pas senti le coup, mais j’ai entendu le bruit de la perforation. Je l’ai regardé dans les yeux : _il éprouvait de la satisfaction_. Il respirait comme un asthmatique ».
Sauvée par des voisines
La jeune femme hurle de toutes ses forces. « Mais mon corps a lâché, je suis tombée sur le sol et j’ai prié le bon Dieu. Il m’a enjambée, puis m’a éventrée de bas en haut, en me tenant une main sur la bouche».
Alertée par les cris, une voisine arrive en courant. L’agresseur est mis en fuite. Sabrina git au sol. « Je me suis sentie partir. J’ai vu le tunnel avec le brouillard. J’ai vu ma mère et je lui ai dit : Maman, je pars ». Par miracle, Sabrina survivra.
Un traumatisme profond
Vingt années ont passé depuis l’agression, mais Sabrina y pense encore jour et nuit. Cette cicatrice de 32 centimètres sur son ventre est là pour la lui rappeler. Jamais plus elle n’a enlevé son T-shirt, ni devant son mari, ni à la plage. Et à chaque grossesse, la même crainte , « que la cicatrice s’ouvre ».
« Je porte un masque, mais tout est là encore, à l’intérieur de moi »
Une vie de cauchemars, de crises d’angoisse, de pleurs et de paranoïa. « Dans la rue, j’ai peur, je dévisage les gens, je sursaute au moindre bruit. A la maison, je vérifie trois fois que la porte est fermée, je regarde derrière chaque placard qu’il n’y ait personne. Mes enfants ont interdiction de jouer à me faire peur. Mon mari doit s’annoncer quand il entre dans une pièce ».
Mais ce jeudi matin, devant Jacques Rançon, Sabrina n’a plus peur. « C’est la haine qui m’a portée pendant toutes ces années. Je m’étais promis de ne pas oublier ce visage. ». Et maintenant que Jacques Rançon est là, sous ses yeux, elle lui fait face. « J’espère que vous allez souffrir en prison. Je vous déteste. »
La justice présente ses excuses
Pendant des années, Sabrina en a voulu à la justice. Sa plainte a été classée sans suite. Jamais, pendant 17 ans, les enquêteurs n’ont fait le rapprochement avec les autres crimes de la gare de Perpignan. C’est elle qui a reconnu Jacques Rançon en 2014, en voyant son visage à la télévision : il venait d’avouer le meurtre de Moktaria Chaïb.
Alors, en pleine audience, l’avocat général s’excuse :« Nous faisons tous notre mea culpa. Nous n’avons pas été à la hauteur dans ce dossier. Ni la police, ni la justice »,
Il aurait suffi d’écouter Sabrina. Elle avait donné aux enquêteurs de précieux indices. Elle avait décrit minutieusement son agresseur. Elle savait qu’il travaillait au marché Saint-Charles, et qu’il avait fêté ce jour-là son anniversaire. Il aurait suffi d’écouter Sabrina, pour éviter -peut-être- les crimes qui allaient suivre.