« Trente secondes après le café, j’étais dans les vapes » : au deuxième jour du procès de Patricia Dagorn à Nice, deux victimes ont décrit mardi les stratagèmes de la « Veuve noire » accusée d’avoir empoisonné sur la Côte d’Azur plusieurs hommes âgés, dont deux sont morts, pour les escroquer.
Divorcé de longue date, Ange Pisciotta, un Niçois de 82 ans, avait rencontré Patricia Dagorn en 2011 après avoir passé une petite annonce via une agence matrimoniale. Deux jours plus tard, « après le repas, elle m’a dit : et si on prenait un café ? », se souvient à la barre l’électricien à la retraite : « Elle me l’a apporté, et même pas 30 secondes après, j’étais dans les vapes ».
« Je ne l’ai jamais empoisonné »
Le lendemain, il se réveille à 11 heures, marche « en titubant » et constate que l’ordinateur acheté pour son fils a disparu, et Patricia avec. L’accusée, qui nie tous les faits pour lesquels elle comparaît devant les assises des Alpes-Maritimes, conteste « totalement » ce témoignage. « D’abord, je ne bois pas de café, (…) je ne l’ai jamais empoisonné, il y a un film que s’est fait M. Pisciotta », lance-t-elle, affirmant que l’ordinateur était « un cadeau de Noël ».
Dans la foulée, elle accuse Ange Pisciotta de l’avoir violée sous la menace d’une arme. « Mais elle-même m’avait dit qu’elle était indisposée, comment voulez-vous que je la viole ! », se défend maladroitement l’octogénaire, admettant avoir un simple « pistolet d’alarme ».
A la barre lui succède l’ancien marin Robert Vaux, 88 ans, un veuf demeurant à Fréjus. Quelques semaines après sa rencontre avec Patricia Dagorn, elle aurait commencé à le droguer, en mars 2012.
« Les voisins trouvaient que je traînais les pieds, on me disait Robert, prends pas ta voiture, tu n’es pas en état, mais moi je ne me rendais pas compte, j’étais bien »
Du Valium dans une valise
L’accusée admet avoir été, à l’époque, en possession de Valium sous la forme de flacons rangés « dans une valise fermée à clé ».
« Un après-midi, c’est vrai, j’ai sorti un flacon de ma valise : on ne dormait pas beaucoup avec M. Vaux, on sortait beaucoup et j’étais fatiguée, et ce jour-là, comme il me proposait un verre de Peppermint, j’ai mis quatre ou cinq gouttes dans mon verre. Je me suis absentée et quand je suis revenue, il avait bu les deux verres »
« En général, quand je bois un verre, je ne bois pas celui de la personne avec qui je suis », rétorque Robert Vaux, qui souligne que Patricia Dagorn lui réclamait sans arrêt de l’argent -« 100 000, 200 000, 300 000 euros » pour des opérations immobilières à Madagascar-, et qu’elle avait même contacté son notaire pour devenir la légataire universelle du retraité.
À la barre, le notaire décrit à son tour un « processus de dépouillement« , évoque un courrier de l’accusée demandant à jouir immédiatement des biens de Robert Vaux -un « collector », ironise-t-il. Sans se démonter, Patricia Dagorn, là encore, rejette ces accusations, et assure que Robert Vaux ne cherchait qu’à la « protéger ».
« Il n’était pas comme d’habitude »
Des proches de Francesco Filippone, un maçon à la retraite dont le corps avait été retrouvé en février 2011 dans la baignoire de son domicile de Mouans-Saroux (Alpes-Maritimes), décrivent eux aussi sa dégradation après sa rencontre avec Patricia Dagorn.
Venue chez lui quatre jours avant sa mort, son aide à domicile raconte l’avoir trouvé « ensuqué » ce jour-là : « C’était un homme toujours propre, parfumé et rasé, et cette fois-là il n’était pas comme d’habitude, ce n’était pas lui ». Un ami de Franceso Filippone se rappelle, lui, que le retraité lui avait confié quelque temps avant sa mort avoir rencontré une femme plus jeune, « avec une belle poitrine » -qui voulait qu’il lui prête 12 000 ou 15 000 euros.
Patricia Dagorn encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Elle est accusée d’avoir tué Michel Knefel et Francesco Filippone « par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort » et d’avoir « volontairement administré des substances nuisibles » à MM. Vaux et Pisciotta. Son procès se tient jusqu’à jeudi.