Violences sexuelles : François Molins met en garde contre le « tribunal médiatique »
Le procureur de la République de Paris, interrogé dans « Le Parisien », salue la libération de la parole des femmes victimes d’agressions sexuelles.
PAR 6MEDIAS
La vague d’attentats que la France a connue depuis trois ans l’a placé sur le devant de la scène. Mais François Molins, le procureur de la République de Paris, n’oublie pas les missions quotidiennes du parquet, notamment les affaires de viols et d’agressions sexuelles. Dans le sillage du mouvement de libération de la parole des femmes, le nombre de plaintes a sérieusement augmenté en fin d’année 2017. « Si cette chape de plomb cède enfin, c’est très bien », estime François Molins, interrogé dans Le Parisien .
« Nous avons connu une augmentation de 20 à 30 % pour les affaires de harcèlement et d’agression sexuelle à l’automne, avec un pic en octobre, 154 plaintes pour ce seul mois », précise le procureur de la République de Paris. « Mais cet effet est en train de retomber pour revenir à la situation antérieure, soit entre 80 et 120 plaintes par mois. Quant aux viols, les chiffres sont restés stables avec environ 700 plaintes annuelles », nuance-t-il.
Il ne faudrait pas que rumeur vaille condamnation.
Les campagnes de dénonciation sur les réseaux sociaux, comme #MeToo et #BalanceTonPorc, ne sauraient remplacer la justice, selon François Molins, qui met en garde contre d’éventuelles dérives. « Il ne faudrait pas que rumeur vaille condamnation. La présomption d’innocence s’applique à tous, quelle que soit son origine ethnique, sa nationalité ou son statut social. Il existe un droit absolu à l’information, mais il ne saurait y avoir de tribunal médiatique », insiste-t-il.
Les femmes victimes d’une agression doivent « le signaler sans attendre », c’est l’appel formulé par François Molins pour permettre à ses équipes d’œuvrer plus efficacement à la résolution rapide de l’affaire. « Plus une victime tarde à le faire, plus elle rend difficile le travail de la police et de la justice, regrette le procureur. En gardant les choses pour soi, on ne rend service à personne et surtout pas à soi. […] J’ajoute que parler s’avère indispensable pour faire échec à ces agresseurs en série qui profitent du silence autour d’eux. »
Le parquet n’a « pas peur de mettre en cause des gens haut placés »
François Molins estime par ailleurs que la justice a bien fait son travail dans deux affaires récentes, celles de Tariq Ramadan et Gérald Darmanin, aux issues différentes. « Nous avons déjà démontré, au parquet de Paris, que nous n’avions pas peur de mettre en cause des gens haut placés, voire des membres du gouvernement. En tant que magistrats, nous avons une obligation d’impartialité », rappelle le procureur. Selon lui, la rapidité à laquelle la première plainte pour viol visant le ministre des Comptes publics a été classée sans suite, n’a rien d’étonnant. « L’affaire, qui a commencé en juillet, a connu un cours normal. D’ailleurs, la durée d’une enquête ne signifie rien en soi. C’est la complexité des investigations qui dicte le tempo des enquêtes », précise François Molins.