Que révèle, selon vous, l’affaire Tariq Ramadan ?
Cette affaire révèle, en premier lieu, la duplicité de l’individu et son double langage en particulier, et le double langage qui sévit dans certains milieux de l’islam. Ces gens sont des loups habillés en agneaux. Ils commettent les pires atrocités tout en proclamant la vertu et la religion. « Les Tariq Ramadan » sont des frustrés qui exploitent le pouvoir que la religion leur octroie pour assouvir leurs désirs. Dans des conférences que Tariq Ramadan animait dans les banlieues, notamment en région lyonnaise, au début des années 2000, il invitait les jeunes femmes à porter le voile, non seulement pour défier les lois françaises mais, officiellement, pour que ces femmes se protègent des regards des hommes prédateurs dont il fait finalement partie. Plus globalement, cette affaire lève le voile sur le comportement des prédicateurs et des imams qui profitent de la religion pour soumettre la femme. D’un autre côté, cette affaire dévoile les complices des islamistes qui, consciemment ou par naïveté, défendent Tariq Ramadan et dénoncent un complot dont il serait victime, et lui trouvent des excuses.
Cette facette méconnue de sa personnalité vous a-t-elle surpris ?
Pas du tout. Dans le passé, ce genre d’agressions passait sous silence et les victimes étaient condamnées à la double peine : subir les agressions et garder le silence. Le double langage de Tariq Ramadan, ses paroles vertueuses et ses agissements vicieux prouvent qu’il s’agit de son mode de vie. Ceci est dû à la frustration et s’apparente à l’abus de pouvoir. Ce phénomène est très fréquent dans certaines sociétés musulmanes, où les religieux et les militants islamistes commettent toutes sortes d’atrocités semblables.
Est-ce la fin d’une omerta du silence des femmes dans l’islam ?
Votre question est très vague et très généraliste, mais elle est porteuse d’espoir. Le problème n’est pas dans le silence de la femme musulmane, car le silence dans des circonstances similaires est une caractéristique de la femme en général, à quelque religion qu’elle appartienne. C’est l’héritage de l’enseignement religieux. Selon moi, le problème n’est pas tant dans le silence des femmes que dans le comportement des hommes qui exploitent la puissance du pouvoir et de l’argent pour soumettre la femme. Concernant le cas Ramadan, je ne pense pas que cette affaire brisera le silence. Ce sont quelques victimes seulement, parmi d’autres, qui ont eu le courage de parler. Périodiquement, nous assistons à ce genre de révélations, avant que le silence reprenne malheureusement le dessus.
Selon vous, Tariq Ramadan est un cas isolé ou s’inscrit-il dans une généralisation de ce genre de pratiques ?
Ce n’est pas un cas isolé, comme je l’ai dit plus haut. Il y a beaucoup d’histoires qui nous renseignent sur la façon dont les prédicateurs exploitent la femme. Des enseignants du Coran à l’école, des imams à la mosquée, pour ne parler que de ceux-là, ont eu des comportements similaires à Tariq Ramadan. Les preuves sont nombreuses dans la presse. À ces agressions s’ajoutent aussi les mariages provisoires et les mariages de jouissance autorisés par les religieux. C’est une sorte de prostitution maquillée par les fatwas. Donc, les femmes sont agressées de plusieurs façons et sont généralement soumises à l’homme, de surcroît à l’homme de religion. Je souhaite que d’autres femmes sortent du silence et dénoncent ces agressions, non seulement celles commises par Tariq Ramadan, mais toutes les agressions. Je souhaite qu’elles surmontent la peur que font régner les disciples de ces religieux et qui les contraignent à se murer dans le silence.